Aujourd’hui, voici un petit éclairage sur les projets 2018-2019 de notre Etat Culturel, trois programmes que je vous résume et décrypte, avec des liens pour en savoir plus! Ces trois programmes ont tous à peu près le même objectif : faciliter l’approche culturelle pour les habitants de proximité, démocratiser l’accès à la culture dès l’école et favoriser les pratiques culturelles. Objectifs toujours repris pour la Culture depuis le Front Populaire, de Gaulle et Malraux puis tous les Gouvernements depuis 70 ans.
POUR LES ACTEURS DU TOURISME, ces trois programmes pourraient être bénéfiques, car je sais que disposer d’un bon ancrage d’une activité dans population locale est très important. Si une activité, que ce soit la Randonnée, le Cyclotourisme ou la Culture, est incomprise, mal aimée ou même rejetée par une population qui ne souhaite pas y adhérer, inutile de la programmer pour des touristes français ou étrangers ! L’absence de relais d’opinion et d’avis ou recommandations des habitants, sur le web ou ailleurs, sont des plaies mortelles aujourd’hui!
I- LE PASS CULTURE
Le Pass Culture est un projet en apparence très simple : le jour de leurs dix-huit ans, les 800 000 jeunes français recevront une somme de 500 euros pour avoir accès à des biens et services culturels. Concrètement, une application proposera à tous ces jeunes des offres de livres ou de billets d’entrée (Cinéma, musées, théâtre, etc…) ou encore propositions d’abonnements pour écouter de la musique en ligne, regarder des vidéos. L’idée est de « sortir le jeune de sa zone de confort », en lui proposant des offres à proximité qu’il n’aurait jamais eu l’idée d’acheter sans l’application.
Première remarque: on prend donc les jeunes soit pour des gens peu curieux, soit pour des incapables de choisir seuls ce qui se passe près de chez eux. Rien n’est dit sur leur fantastique capacité de zapper d’un sujet à l’autre, de tout trouver sur un smartphone ; ensuite on ne dit rien de la psychologie et de l’émancipation des jeunes car, le jour de ces 18 ans est précisément le premier jour de liberté, celui que l’on savoure car être majeur c’est s’émanciper des conseils de la famille, de l’école et de la société pour, enfin, se faire un avis et apprendre à choisir seul.
•UN PROJET COPIÉ SUR L’ ITALIE Le projet de ce Pass Culture est, en fait, très largement copié sur le Bonus Cultura des italiens créé en 2016 (Application « Bonus Cultura 18 app) »d’un coût de 300 millions et qui permet le même type de prestation aux jeunes de 18 ans à partir du jour de leur anniversaire. Une plateforme régule aussi, en Italie, le flux « Offres et demandes » et les transactions. Dès la commande, le compte de 500 euros est débité et le jeune reçoit un code pour accéder à l’offre tandis et le site culturel est averti de sa demande.
Pourtant, le bilan des italiens n’est pas brillant, qui, après évaluation, on déploré le coût de la mesure, comme le détaille le Journal La Croix dont nous reprenons quelques exemples ci-dessous, et que vous pouvez retrouver sur le site du ministère de la Culture et du Tourisme italien, le MIBACT, si vous comprenez l’italien.
• LES ÉCHECS DU PASS CULTURE ITALIEN
Seuls 60 % des 570 000 jeunes majeurs concernés ont fait la démarche de s’inscrire et rien ne prouve que les 18% de jeunes sans aucune pratique culturelle en font partie, bien au contraire.
1- Un marché noir s’est vite développé : le PASS se revendait 250 euros sur le web
2- Le choix des jeunes, qui pouvait concerner l’ensemble de l’offre culturelle (livres, cinéma, concerts, théâtre…), s’est porté à 78 % sur… des livres ! Jusqu’à ce que l’évaluation explique pourquoi : beaucoup de livres scolaires et universitaires ont été achetés grâce au Bonus Cultura, d’une part, et surtout, les jeunes ont en fait acheté des ordinateurs, tablettes ou matériels numériques et audiovisuels, grâce à la complicité de vendeurs qui ont facturé des « livres »
En Italie, le Pass culture a donc en partie échoué à résorber les inégalités qu’il entendait combattre. Mais le secteur marchand a, comme on s’en doute, obtenu sa reconduction.
• LE FINANCEMENT DU PASS CULTURE en France Pour le Financement, le Journal des Arts du 6 septembre décrypte le problème ainsi : «Un rapide calcul, 800 000 jeunes x 500 € aboutissait à un budget de 400 millions d’euros. Une somme inimaginable quand on sait que le budget de la culture est de 2,9 milliards d’euros ». Alors le ministère doit « ruser » 1-Faire en sorte que les offres soient offertes gratuitement pour le PASS par les différents offreurs numériques , qui récupèreront, pour se payer avec , « les adresses et noms des jeunes », d’après le ministère. On croit rêver et on espère que ce sera interdit, toute confidentialité et déontologie éthique seraient jetées à la poublelle. 2- Que les offres soient vendues bien moins chères sur le PASS Culture qu’ailleurs.
– APPEL AU MÉCÉNAT ? le PASS nécessitera 150 à 200 millions d’euros par an de mécénat, sponsoring et autres dons. Le Journal des Arts souligne :« Mais en l’état actuel du mécénat culturel, on ne voit pas comment les sponsors pourraient apporter plus de 10 à 20 millions par an ».
• EXPÉRIMENTATION A RALLONGE.. . Les premiers tests ont commencé par le recrutement de 10 000 testeurs d’ici fin octobre, poursuit le JdA, dans 5 départements tests (Bas-Rhin, Guyane, Hérault, Finistère, Seine-Saint -Denis) avant un bilan en avril 2019. Et après? (Journal des Arts, 6 septembre 2018)
II- GÉNÉRALISER L’ ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE(EAC) à l’école, au collège et au Lycée!
Une excellente étude de France Urbaine sur ce vaste projet, là aussi, qui durera aussi tout le quinquennat, comme le Plan a Cinq ans de Jack Lang qui avait le même objectif! À la rentrée 2017, le Gouvernement a invité les collectivités territoriales à faire plus sans préciser ni le périmètre précis ni les moyens affectés pour atteindre 100% des élèves touchés par l’EAC.
- Mais grâce à France Urbaine , qui a commandé une étude à l’INET sur l’EAC dans les grandes villes de France, nous en savons plus! Si vous avez beaucoup lu et entendu sur le sujet et/ou si voulez connaître concrètement le sujet et ses résultats, cette étude est faite pour vous ! Entre septembre 2017 et juin 2018, quatre élèves Administrateurs de l’INET ont travaillé dur et le résultat est excellent : ils soulignent les leviers d’une réussite possible, et donnent aussi les coûts d’une bonne EAC pour les collectivités locales. Leur choix de villes est aussi très intéressant, car il souligne les leviers pour une réussite de 100% d’EAC ! Citons le résumé de France Urbaine : « Leurs propositions, méthodes et leviers, visent à améliorer le maillage territorial des actions et la simplification des procédures administratives. Elles sont issues d’un travail de terrain, inspiré de la réalité des pratiques, des envies de nos territoires, de nos moyens pour les mettre en œuvre.
Cinq actions, pragmatiques, opérationnelles et progressives sont proposées :
1. Définir un référentiel commun pour mieux agir en matière d’éducation artistique et culturelle.
2. Préciser une stratégie d’intervention locale au regard d’un objectif gouvernemental ambitieux mais encore imprécis.
3. Conforter la gouvernance par l’affirmation d’un pilotage intercommunal.
4. Renforcer l’efficience et la mobilisation des moyens.
5. Garantir l’amélioration continue par le renforcement de l’évaluation. »
VOIR toute l’étude et sa rpésentation sur France Urbaine, ICI, sur le site de France urbaine - Référent(s) France urbaine : Monsieur Olivier BIANCHI Maire de Clermont-Ferrand, co-président de la commission culture de France urbaine Monsieur David LISNARD Maire de Cannes, co-président de la commission culture de France urbaine Monsieur David CONSTANS-MARTIGNY Conseiller culture de France urbaine Rapport rédigé par Claire AÏTOUT Noor-Yasmin DJATAOU Olivier MEROT Aurélie PASQUIER
http://franceurbaine.org/publication-etude-reussir-generalisation-education-artistique-culturelle
Et voir seulement l’étude ICI
Je vous donne envie avec ce Budget d’une ville qui atteindrait les 100% d’EAC ! (Page 57 de l’excellent rapport)
• ESTIMATION FINANCIÈRE ET PEDAGOGIQUE D’UN PROGRAMME 100% EAC L’estimation propose un programme aux propositions diversifiées tant en matière de champs disciplinaires, d’intensité d’indice d’exposition à l’art et de coût, de la maternelle au collège. La base choisie est une classe d’âge scolarisée de 1000 enfants soit 12 000 enfants concernés sur toute la période de scolarisation obligatoire de 3 à 16 ans.
– LES COÛTS POUR LA COLLECTIVITÉ : Total : 12 000 jeunes touchés, 8 dispositifs complémentaires, 22 512 heures d’interventions annuelles soit 31 ETP cat. B, coût total 600 000 euros, hors subventions et redéploiements.
• LES VILLES PARTICIPANTES de cette ÉTUDE (Communes, Communautés d’Agglomération et métropoles, à voir plus en détail ici page 58 ) : Amiens, Caen, La Rochelle, Pau, Dunkerque, Ville de Tours, EPT Grands Paris, Grenoble, Bordeaux, Lille, Rennes, Toulouse, Marseille, Lyon, Nancy, Metz, Mulhouse, Orléans, Saint-Etienne, Versailles, Besançon,Brest, Cannes, Clermont-Ferrand, Créteil, Dijon, Nanterre, Nantes, Poitiers, Rouen, Strasbourg, Villeneuve d’Ascq.
III- LA CULTURE PRÈS DE CHEZ VOUS Ce projet consiste à faire voyager des œuvres d’art une dans des territoires qui n’en ont pas ou peu, «hors des grandes métropoles, dans des villes moyennes, des centre-bourgs, des zones rurales ». La Ministre a donc fait établir un Catalogue des désirs, en juin dernier. Pour résumer, des œuvres des collections nationales sont proposées à de territoires jugés « défavorisés pour la culture », comme certains territoires ruraux, cœurs de ville désertés ou quartiers prioritaires. Des partenariats sont établis entre élus, associations et institutions culturelles pour un prêt d’œuvres d’une durée de six mois à un an. A ce jour, trois projets d’itinérance sont programmés et dix autres engagés, dit Localtis dans son suivi.
On ne peut que douter de tout ce que sous-tend ces mesures : les élus (36 000 maires !)sont-ils à ce point inconséquents qu’il y aurait, comme pour le téléphone, des zones blanches, des déserts culturels, en France ?Si l’on parle de bâtiments et d’oeuvres, on sait qu’il y a 8000 musées en France, qui tous peuvent emprunter ou faire des expositions temporaires, ce dont ils ne se privent pas.On a connu les muséobus, les mallettes pédagogiques et autres moyens pour assurer l’itinérance des objets culturels jusqu’à ce que ce ne soit plus demandé… D’autres élus préfèrent les événements, et plus de 20 000 festivals ou événements ont lieu chaque année. Est-ce enfin à l’Etat de « prescrire », et avec quels critères ? La Culture immatérielle – nos façons de vivre, de penser et nos habitudes ! – fera-telle partie de l’itinérance ? Les Big Data, avec plus de 600 000 œuvres mises en ligne au Rijsksmuseum, et des millions d’oeuvres en accès libre et HD aux Etats-Unis, n’est ce pas ce qui pourrait favoriser la connaissance ? Enfin les gens bougent, voyagent, et d’autres applications leur assurent une information géolocalisée, pourquoi fait-on comme si tout cela n’existait pas ?
– PRÈS DE CHEZ VOUS MAIS SANS VOUS ? : aujourd’hui, demander des avis avant de commencer toute action, co-créer une offre est tout de même un sine qua non de la réussite, pour la culture plus que d’autres domaines, faut-il le rappeler ? De plus en plus de musées font ce travail d’associer les visiteurs à leurs décisions et projets et l’offre s’enrichit de réflexions, de leurs avis et de leurs propositions ! Bref, les choix du haut vers le bas, avec la condescendance et un certain mépris des désirs des citoyens, sont-ils encore possibles ? Personnellement, je ne le crois pas : « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?» a toujours été ma première question dans les quartiers défavorisés! Ne jamais vouloir faire le bonheur des gens malgré eux…
– Source : Ministère de la Culture et surtout l’analyse de Localtis, la Culture près de chez vous/ Caisse des Dépôts et Consignations, avec, ICI, un excellent article!
CONCLUSION sur les PROJETS ÉTATIQUES : ces trois projets ont, hélas, été pensés par « en haut », avec l’inévitable «phase test» pour expérimenter leur faisabilité ou l’adhésion des populations. C’est vraiment curieux, à une époque où associer les visiteurs au choix des projets en les sollicitant sur leurs propres idées – de quoi ont-ils envie ? – est devenu une évidence. Rendez-vous dans dix ans, peut-être, pour voir ça?
Enfin ces objectifs de démocratisation culturelle sont tous régulièrement repris par tous les gouvernements de Gauche comme de Droite, depuis le Front populaire. Tous, car aucun plan, projet ou programme de « démocratisation » n’a réussi! Sans doute parce que le véritable blocage vient de ce que nous avons une politique de l’offre, décidée par « en haut » à laquelle on veut que tout le monde adhère. Il faut donc plaider en permanence la validité de ces choix, les expliquer avec les partenaires qui les financent -éducation nationale, collectivités territoriales, pour mieux les justifier. Bref, depuis la décision de de Gaulle de créer un ministère de la culture, son objectif majeur, édicté par André Malraux, n’a peut être pas été atteint : s’adresser au public le plus large possible. Il est vrai que c’était assez vague…
Alors, espérons encore et surtout avançons en quittant ces routes officielles! Car il y a encore plein d’initiatives passionnantes qui naissent chaque jour sur notre territoire, chez nos voisins européens ou à l’autre bout du monde. Echangeons, partageons ces milliers de projets innovants chaque année, voilà les pistes intéressantes, suivons-les ensemble!
- Belle Photo du haut, les deux enfants : « Rendez-vous amoureux »de l’artiste Zabou, Street Artist française, réalisé dans le quartier de Bethnal Green Green à Londres- 22 décembre 2015- Image sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0.
- POUR EN SAVOIR PLUS
Budget du Ministère de la Culture 2019 : ce budget stagnera en 2019, selon l’analyse Localtis, à voir ICI !
avec 9,729 milliards inscrits au PLF 2019 (dont les 20 millions de recettes du Loto du patrimoine…) (cf.. 9,725 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2018)
– Le secteur de la culture gagne +0,5% (3,632 milliards d’euros) tandis que la mission communication baissera très légèrement avec l’audiovisuel public (3,860 milliards d’euros et -0,9%) ; les taxes affectées au CNC augmentent de 0,3% (679 millions)et les dépenses fiscales sont stables (1,482 milliard). .
*On peut aussi y ajouter les 4,185 milliards d’euros (+0,7%) de dépenses culturelles de autres ministères.
Pour vous amuser : j’ai retrouvé ce générique de « Lectures pour tous », qui date de 1959. Et non, ce n’était pas « mieux avant »! Ce générique est d’un barbant absolu!
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KEN LE TOURISTE PARFAIT était en plein boom! Il hésitait à s’installer en Europe. La Principauté de Monaco lui plaisait bien, mais Cannes aussi, avec son Maire intelligent et son Festival pour y revoir ses amis américains. Sa vie de Touriste Parfait l’incitait à choisir Monaco (Ses voyages fréquents, deux tours du monde par semaine, ses Affaires…)mais mieux valait demander l’avis de son ex, la très sage Barbie Chérie, qui répondit : «Cannes, sans hésiter, ils font de l’éducation artistique et culturelle à 100% et je vais m’y inscrire ! ».
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