A défaut de fréquenter les hémicycles de l’Assemblée ou du Sénat, lire le Compte rendu intégral de la deuxième séance du jeudi 12 novembre 2009 (Assemblée nationale XIIIe législature Session ordinaire de 2009-2010) est un exercice vraiment intéressant.
Dans cette loi de prévision financière se glisse en effet un projet de décentralisation du patrimoine de l’Etat ( Article 52). Pourquoi ce projet ne figura-t-il pas dans la Commission Balladur créée à cet effet(la décentralisation en France)? Mystère. Mais ce Gouvernement nous a appris à traquer l’info pour la Culture là où on l’attend le moins, du Grenelle de l’Environnement à cette loi de finance. Et à rapprocher des informations figurant ici ou là, comme par exemple celle-ci et celle qui , dans la nouvelle convention entre le Tourisme et la Culture, favorise la réutilisation de tous les monuments à des fins d’accueil ( Hôtellerie, séminaires et congrès.(Voir le billet de ce blog sur cette Convention).
1 – Le projet de nouvelle décentralisation culturelle en 2010
a) La possibilité de transfert des monuments de l’Etat aux collectivités territoriales serait pérennisée, sans limite temporelle pour la demande de transfert;
b) le champ des transferts possibles dépasse celui de la centaine de monuments du seul CMN, centre des monuments nationaux : la possibilité de transfert serait étendue à l’ensemble des éléments du patrimoine historique de l’État et de tous ses établissements publics et des « objets » qu’ils conservent ou présentent en leur sein ; toutes les thématiques culturelles, tous les bâtiments-monuments, tous les établissements publics seront -ils concernés? Réponse lorsque la loi sera votée, le texte faisant actuellement » navette » entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
c) Des transferts partiels d’un ensemble monumental deviendraient possibles.
d) Finie la liste de propositions établies par l’Etat : toute collectivité peut demander un transfert (monument, monument et objets…)
e) Finis les délais restrictifs imposés par l’Etat : toute demande pourra se faire , de la part des collectivités territoriales, quand bon leur semblera, sans limite temporelle.
Toutes ces nouveautés changent radicalement la donne par rapport au dispositif actuel, qui vit sous le régime d’un Etat très paternaliste, à notre avis. Au sens ou, se jugeant plus éclairé que les collectivités territoriales, plus apte à une meilleure conservation, à la protection des monuments historiques, lui seul a décidé de ce qui pourrait être transférable ou pas en 2004 . Rappelons en effet que le dispositif actuel est issu de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux Libertés et Responsabilités locales.
Il est vrai pourtant que ces transferts « à la demande » des collectivités paraissent tout à fait normaux, alors que l’ancienne « liste Rémond » décidée par l’Etat avait conduit à des situations un peu ridicules : proposer la Porte Saint Denis et la Porte Saint Martin au maire de Paris, ville-capitale, était-ce bien raisonnable ?
Lors de la séance à l’Assemblée nationale du 12 novembre ernier, Mme Muriel Marland-Militello, Députée (Alpes –Maritimes -2ème),
Membre de la Commission des affaires culturelles et de l’Education, a souligné la défiance encore très vive, en France, des services étatiques vis à vis des responsables des collectivités territoriales.
Une interrogation assez bizarre, lors du débat, a été aussi conclue par cette députée : fallait-il l’avis conforme de un ou de deux ministres? ( celui de la Culture+ celui des Domaines, en l’occurrence Eric Woerth himself…). Eh bien à quoi servent donc les préfets, a-t-elle justement répondu, ces serviteurs de l’Etat et agents des ministres dans les régions ? Et, pourrait-on ajouter, les directions régionales des affaires culturelles ne peuvent-elles pas aussi instruire ces dossiers? Il n’y aurait de bon bec qu’à paris? Nous sommes encore au XIX éme siècle, en France, où l’Etat se méfie des élus, du peuple, de l’alternance, donc de la démocratie. Il nous faut toujours un « garant », l’Etat, qui interviendra pour remettre de l’ordre dans des « dérives » toujours possibles des collectivités. Est-ce bien raisonnable de ne pas faire confiance à ce point? A-t-on vu des exemples de décentralisation ratée? Ou plutôt, à mon avis, disons que dès que l’on confie quelque choses aux collectivités – les lycées! – cela va mieux(ce qui n’est pas le cas des universités…)!
Bref, notre pays n’est pas encore mur pour une décentralisation calme, et pour satisfaire les centralisateurs de droite comme ceux de l’opposition, le texte risque de ne pas être voté en l’état. Quoique les débats importants et les vraies fâcheries se portent davantage sur l’avenir de ce qui remplacera la Taxe professionnelle ou sur le nouveau statut de Conseiller territorial et de son mode d’élection que sur la question des transferts des bâtiments appartenant à l’Etat et de leur contenus aux villes, à leurs groupements, aux départements et aux régions.
2 – Les premières réactions
Evidemment le CMN, Centre des monuments nationaux, a déjà fait savoir qu’en cas de transfert d’un « gros » monument lui appartenant, les petits allaient en souffrir, car, comme la RMN lorsqu’elle avait encore le Louvre et Orsay directement en charge, le CMN fait jouer la péréquation, et les bénéfices réalisés par les plus gros sont répartis sur la valorisation des petits monuments nationaux.
– Le journal le Monde, comme a son habitude, parle de » braderie » des monuments historiques
– le Parti Socialiste, que l’on a connu décentralisateur, grimpe aux rideaux, alors que Catherine Tasca avait initié et conduit les expérimentations de décentralisation culturelle des années 2001-2004…
3 – Pour en savoir plus : présentation de l’exposé des motifs de l’article 52 du PLF2010, séance du 12 novembre 2009 de l’Assemblée nationale ; conditions générale de l’accord de l’Etat,
– l’exposé des motifs de l’article 52
Le présent article modifie le régime relatif aux transferts du patrimoine de l’État et de ses établissements publics (et non plus du seul Centre des monuments nationaux), au profit d’une méthode ouverte : celle d’un appel généralisé et sans limite temporelle au volontariat des collectivités territoriales.
– Conditions générale pour que l’Etat donne son accord
L’État se réserve néanmoins la possibilité d’accepter ou non les candidatures, au terme d’un délai d’expertise, non sans avoir fixé les conditions scientifiques du transfert, par exemple par la voie d’une convention. Le transfert pourra être refusé sur la base de critères tirés de l’intérêt des finances publiques, des conséquences statutaires pour les personnels concernés, du projet scientifique de l’établissement ou de l’importance qui s’attache à ce que l’élément de patrimoine de l’importance qui s’attache à ce que l’élément de patrimoine demeure au sein de l’Etat.
– Toute la séance du 12 novembre sur ce lien :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2009-2010/20100051.asp#P1098_250062
4 – Une offensive de la Cour des Comptes contre la faiblesse de la décentralisation culturelle : le dernier Rapport de la Cour des Comptes a insisté sur la faiblesse de la décentralisation culturelle, Article 97 de la loi N° 2004-809 du 13 août 2004, et on peut donc dire que le nouveau projet de décentralisation culturelle fait suite et apporte une réponse à ces remarques.
(Rapport public thématique : « La conduite par l’état de la décentralisation », octobre 2009, 176 pages. « Un Etat équivoque dans sa volonté de décentralisation : l’exemple de la culture »)
Sur plus de 400 monuments appartenant à l’Etat, retenus par le ministère de la culture, – rappelons qu’il y a pus de 14 000 monuments classés, publics et privés et plus de 40 000 Inscrits*) seuls 176 furent « listés » comme pouvant être transférés de l’Etat aux collectivités territoriales ; et les résultats furent à hauteur des propositions , car un bon tiers des monuments proposés ne trouvèrent pas preneur, alors que les plus intéressants, les mieux entretenus, les plus fréquentés de la Liste furent de suite adoptés.
– Vos révisions ! La décentralisation de 2004 pour le patrimoine :
Pour résumer, les critères de décentralisation ne retenaient pas ce qui était le plus prestigieux (symbolique, prototypes d’architecture innovante, sites archéologiques de première envergure, etc.) ou le plus fréquenté. Refuser de proposer à la mairie de Paris le Grand-Palais, la Colonne Vendôme, le Panthéon, l’Arc-de-triomphe, l’Obélisque Hôtel de le Palais de Chaillot, le domaine national du Palais Royal, la Conciergerie ou la Sainte-Chapelle…., qui « font » Paris, était tout de même acte de défiance à priori à l’égard des compétences de la Ville pour entretenir et valoriser un patrimoine « national » à haute valeur symbolique pour une ville-capitale. En tous cas jamais une décentralisation ne fut ratée en France, voilà l’important : chaque fois que l’Etat a décidé de transféré quelque chose, les collectivités ont su s’en emparer, développer, embellir, innover. Il n’y a qu’à, aujourd’hui, comparer les lycées, transférés depuis longtemps, rénovés et souvent flambant neuf, et les universités, non transférées, dans un état très pitoyable, en général.
*Le saviez-vous ? Il existe deux niveaux de protection : le classement comme monument historique et l’inscription simple au titre des monuments historiques (autrefois connue comme « inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques »). On dit d’un bien, dans le premier cas qu’il est « classé », et dans le second, qu’il est « inscrit ». Longtemps soumis aux dispositions de la loi du 31 décembre 1913, le classement et l’inscription sont désormais régi par le titre II du livre VI du code du patrimoine et par le décret 2007-487 du 30 mars 2007.
• Au 31 décembre 2007, il y avait 42 967 monuments répartis comme suit : 14 344 classés et 28 623 inscrits au titre des monuments historiques, 449 supplémentaires par rapport à 20063. Actuellement, les crédits attribués par le ministère de la Culture sont déconcentrés dans les DRAC ou gérés par le Service National des Travaux (SNT)4.
• Ils se répartissent en 2008 entre 3,7 % de proto et préhistoriques, 1,7 % antiques, 32,8 % du Moyen Âge, 45,4 % des temps modernes et, 16,4 % actuels. Un tiers des monuments historiques relèvent de l’architecture domestique, 29,6% sont des édifices religieux, et près de la moitié (49,4%) des propriétés privées3.
–Le dernier ouvrage de Nathalie Heinich : La Fabrique du patrimoine, de la cathédrale à la petite cuillère, Maison des sciences de l’Homme, en vente en ligne ( 21€ sur www.lcpdu.fr, Comptoir des Presses d’Universités). Cet ouvrage présente notre politique de conservation du patrimoine, qui semble ne plus connaître de limites ( Critères si nombreux, décisions de tout protéger, ou presque…) ce qui fait que les problèmes financiers sont aussi à l’horizon de la prochaine décennie. Lorsque nous devrons conserver , restaurer le patrimoine actuel mais aussi ce que l’on y classe chaque jour de nouveau.
– Le Blog du patrimoine, « patrimoine en blog », qui est toujours très complet sur la sauvegarde du patrimoine, et présente aujourd’hui cette décentralisation annoncée, avec en cadeau l’accès direct au Rapport sur le patrimoine de Yann Gaillard( Commission des affaires culturelles) pour la préparation du budget 2010 :
4 – Ken sera comment quand il sera vieux ?
Cette question est importante. Ken ne vieillit pas, l’avez-vous remarqué ? A cinquante ans il est fringant comme un adolescent. Voilà pourquoi, une fois de plus, il atteint la perfection, notre Touriste Parfait : vieux, il trainerait la patte, préfèrerait rester chez lui plutôt que de courir le monde, renoncerait aux voyages pour un coin de cheminée. Bref, vivrait de sa retraite au lieu de lever des fonds et de participer à la croisssance économique. Quant aux filles ou aux casinos…L’Horreur !!!! Imaginez aussi que, sur un coup de sang, Vieux Ken veuille retourner à ses joies de gamin, Auberges de jeunesse et sandwichs fabriqués dans le G20 du coin ? Non mais je rêve, je cauchemarde : Ken est une figure tutélaire du Tourisme et doit DOIT gagner et dépenser un max. C’est décidé, Ken ne vieillira jamais ! Contentes, les Girlies ?
2 Commentaires
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant!
Pouvez-vous me communiquer la dae d’édition de celui-ci, je ne l’a trouve pas sur le site.
Merci par avance et bonne journée.
Auteur
La date est toujours ans le lien de l’article!https://www.nouveautourismeculturel.com/blog/2009/11/26/la-decentralisation-culturelle/ Merci pour vos compliments! Belle fin de semaine à vous, Evelyne