LA RÉFORME DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DU TOURISME
I-UNE VRAIE RÉVOLUTION! comme titre toute la presse italienne. Et TOUS EN ITALIE! avons nous envie de dire, car cette révolution, dont nous aurions eu grand besoin aussi, est un examen complet de l’ensemble du système de gouvernance de la culture et du tourisme pour reconstruire et redéfinir des stratégies nouvelles.Et très vite, car les insuffisances en sont, comme chez nous, bien connues. C’est à partir de l’exercice de réduction les dépenses publiques, qui souligna de nombreuses sources de gaspillage dans le fonctionnement de l’administration publique italienne (délais de la décision trop longs ; doublons de postes entre l’administration centrale et régionale ; bureaucratie ; conservatismes et pesanteurs …) que Dario Franceschini, ministre de la Culture et du Tourisme (MiBACT, Ministère des Biens et Activités culturelles et du Tourisme) a décidé de faire cette réforme. Objectif clair : mieux valoriser le patrimoine artistique et culturel.
« Il est temps, dit avec véhémence Dario Franceschini, de travailler sur le patrimoine, l’histoire et l’archéologie et sur les investissements à réaliser pour qu’ils deviennent aussi des outils pour la croissance « . Les musées et les monuments de l’Etat y sont présentés, par exemple, comme une «mine d’or inexploitée à ce jour ». Ce « Il est temps »renvoie aux années 2007-2013, car la Culture a rejoint le Tourisme en 2006,sous le gouvernement Romano Prodi II ; on a beaucoup parlé, mais peu de choses ont été réellement accomplies depuis. Le site national de Pompei sert de thermomètre, en Italie, à l’efficacité d’un ministère (Voir VI,ci-dessous) et se trouve en danger s’asphyixie.
II- Les cinq priorités de la réforme du ministre pour arriver à ses fins :
• Une pleine collaboration entre la culture et le tourisme
• La diminution du temps de la décision
• Une simplification et une plus grande agilité de l’échelon central avec une meilleure organisation de ses échelons régionaux (37 directions sectorielles disparaissent au profit de mutualisations selon les nouvelles politiques) ;
• Une plus grande autonomie des musées ;
• De nouvelles les politiques pour la formation et l’innovation.
le Ministre annonce donc comme prioritaire la pleine intégration des deux domaines stratégiques d’intervention du ministère de la culture et du tourisme. A cet effet, conformément aux dispositions de la récente loi-décret. 83 de 2014 ,les connexions entre les filières seront renforcées: tous les pouvoirs de la Direction générale du tourisme seront mis à jour pour garantir une intégration maximale entre les deux secteurs confiée à un Secrétaire général aux pouvoirs accrus .
III- LE RAPPORT sur lequel s’appuient les réformes :
Le ministre a évoqué pour la première fois sa réforme lors de la présentation du rapport annuel, qui s’appelle en 2014 « Io sono Cultura » ( « Je suis Culture ») publié par la Fondation Symbola et Unioncamere, qui soulignait l’apport des domaines de la culture à l’économie du pays. 85% des touristes étrangers qui viennent en Italie sont attirés par note offre culturelle » en 2013, la valeur ajoutée produite par les entreprises culturelles était près de 75 Md €, soit 5,4% de l’économie nationale. L’emploi, (443 000 ) entreprises culturelles représentent 7,3% et les emplois induits (1,350 000, soit 5,8% de l’emploi total en Italie). Le secteur culturel a « tenu » la barre mieux que les autres secteurs de l’économie italienne. L’export des produits culturels est en hausse (+5,5% en 2013) La culture est donc bien le moteur du développement du secteur tertiaire, à commencer par les transports et le tourisme, dit le rapport, et, en ce sens, culture et tourisme sont indissociablement liés… « Quand j’ai été élu, dit le ministre, j’ai eu l’impression de devoir diriger le plus grand secteur du ministère de l’économie », dit le ministre en souriant. Avant de conclure que « dans un monde globalisé, où chacun doit démonter ses atouts, l’Italie peut s’appuyer sur son patrimoine historique, artistique et culturel, inimitable, et que « le reste du monde nous envie ». Requalifier le parc hôtelier, promouvoir les offres régionales, augmenter les incitations fiscales pour les mécènes étrangers font aussi partie du plan de ces réformes
IV- PENSER LE CHANGEMENT EN MODE INNOVATION
Pour le ministre mais aussi pour Matteo Renzi, des propositions nouvelles mais aussi de nouveaux modes de travail ont été élaborés pour faire apprécier le patrimoine et la culture par des ressources publiques mais aussi privées. Les deux hommes pensent que les secteurs publics et privés doivent travailler ensemble sur le sujet pour mutualiser leurs compétences. Si l’Etat reste garant de la protection, des questions juridiques, le patrimoine appartient à tous et les entreprises peuvent participer. Pas seulement les grands groupes, mais aussi les petites entreprises et entreprises moyennes (mécénat) ou très jeunes comme les start up qui sont encouragées dans le futur programme.
– UN BON EXEMPLE : revoir la place de l’ art actuel, avec un argument de poids : « Il faut reconnaître la légitimité de l’art contemporain et de l’architecture pour, par exemple, revitaliser les périphéries urbaines » . La Direction générale redéfinira les missions de ces deux secteurs pour qu’ils « participent directement à l’élaboration des travaux publics des périphéries des villes, grâce à leurs conseils et orientations et à leurs compétences (Design) ».Et le meilleur exemple est l’apparition d’une volonté d’intégrer le numérique dans toutes les dimensions du projet de réforme.
V- LE LAB « TOURISME DIGITAL DES BIENS CULTURELS » ,créé en avril dernier pour que soient bien présents, voir surreprésentés, dans la réforme, à la fois les plus jeunes professionnels et l’innovation. Dans le décret « révolutionnaire » de réorganisation des missions, le ministre a décidé de « mettre à jour les compétences de toutes les structures centrales et périphériques du Ministère, afin de stimuler la numérisation, la collecte de l’information et, surtout, la communication transparente de l’action administrative. Le Lab comprend trois thématiques:
1- LE DÉVELOPPEMENT du secteur numérique, qui doit promouvoir concrètement les activités du privé et du public du secteur touristique et culturel, et doit accroître leur compétitivité ( Conseil ; Relations avec les politiques du numérique en Europe ;
2- LA PROMOTION ET LA COMMERCIALISATION des services touristiques et culturels ainsi que des produits typiquement italiens et de l’artisanat;
3- LE GROUPE « INTEROPÉRABILITÉ », qui conduit la recherche sur les standards en la matière et l’intégration des data et des process numériques dans le tourisme (Dirigé par Euro Beinat, professeur de géo informatique à l’Université de Salzburg).
– Tous ces groupes fonctionnent sur le mode collaboratif et tout internaute peut souscrire pour travailler dans l’un des trois pôles. Ils ont aussi un blog et de la documentation en open data, à la disposition des professionnels.
– Enfin ces groupes font une veille experte à laquelle l’ensemble des réformes peut puiser . Nous y avons trouvé, par exemple, une présentation du Think Tank de Visit Britain très intéressante, qui a pour objet de conseiller les opérateurs du tourisme et de la culture sur leurs pratiques numériques, dans toutes les phases et composantes de leurs travail, à voir ICI, si vous voulez !
– Voir aussi le décret du 10 avril dernier portant la création de cette partie digitale du travail du Lab , ICI .
VI- SAUVER POMPEI ! est le premier défi du ministre et du Gouvernement de Matteo Renzi. Tous les précédents gouvernements s’y sont essayé, et ont échoué. Pompei, symbole de l’Italie , reçoit 2 millions de visiteurs par an et est le site archéologique le plus visité d’Italie après le Colisée de Rome.
Une urgence: l’Italie, en 2012, après avoir réduit à 0,2% la part de la culture dans la budget de l’Etat, ne pouvait faire face aux nouveaux désordres du site archéologique et avait fait appel à l’Union européenne, qui débloqua rapidement 70 millions d’euros (qui s’ajoutaient aux 30 millions de l’Etat) pour entreprendre une grande campagne de restauration baptisée Grande Progetto Pompei, pour les villas les plus belles et souvent fermées au public pour des raisons de sécurité.Si cette manne n’est pas investie d’ici à la fin 2015, l’argent retournera d’où il vient.
– L’Etat des lieux : Le chantier est immense, la dégradation du site est très forte, des investissements lourds sont nécessaires pour mettre en sécurité la ville de Pompéi. Seulement un quart de cette somme a été dépensée depuis 2012, un seul des cinq chantiers ouverts à Pompéi est parvenu à son terme, celui de la villa du Cryptoportique. Les quatre autres attendent. « Cette fois, ce n’est pas la faute des intempéries, mais de la lenteur de la bureaucratie et de la justice italienne », disent les techniciens et les politiques. Par exemple, toute entreprise ayant soumissionné pour un projet de restauration et non retenue peut faire systématiquement appel de la décision devant le tribunal administratif, retardant d’autant le lancement des travaux.
Johannes Hahn, commissaire de l’Union européenne pour la Politique régionale, Dario Franceschini, ministre de la Culture et du Tourisme italien, et Graziano Delrio, secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil des ministres, se sont rencontrés le 17 juillet dernier à Pompéi pour la signature de « l’Action Plan », le plan d’actions de l’Union européenne et du gouvernement italien devant accélérer les travaux qui doivent consolider les structures du site archéologique et dont l’échéance est prévue en décembre 2015.
– Un général aux commandes! Pour s’assurer que tout sera fait dans les temps impartis par Bruxelles, Rome a nommé un général des carabiniers, Giovanni Nistri, également chargé du vol des œuvres d’art des collections publiques – pour prendre la tête d’un véritable commando qui dirigera les travaux de sécurisation et de restauration de Pompei qui, en recevant .Un général, car Pompéi est située en Campanie, où la mafia napolitaine est à l’œuvre dans presque tous les échelons politiques et dans l’économie et les administrations
Le commissaire Hahn insiste sur le respect du calendrier fixé en 2012 et demande un rapport tous les quatre mois sur l’avancement des travaux afin de, dit-il, « créer une pression sociale ». En réponse, Giovanni Nistri, directeur du « Grande Progetto Pompei », prévoit d’ouvrir les chantiers même la nuit et de renforcer les effectifs à tous les niveaux pour respecter le délai imposé par l’Union européenne.
CONCLUSION : UN MINISTRE PROVIDENTIEL
Pour faire cette révolution culturelle et touristique en y associant le maximum d’acteurs dans tout le pays, il fallait sans doute un expert mais aussi un politique qui ait de l’imagination. Dario Franceschini (notre photo, à gauche) , né à Ferrara en 1958, juriste de formation, homme politique ayant déjà un long passé et écrivain, a ce profil et il est pressé. Nous l’avons suivi à la trace, sur Internet – conférences de presse, interviews politiques, visites de sites…- et ce qui frappe c’est sa détermination, depuis son arrivée au gouvernement en 2014, pour convaincre et faire passer la radicalité de sa réforme avec conviction et pédagogie. Longtemps l’un des principaux opposants de Berlusconi, il veut surtout redonner de l’espoir aux plus jeunes. Par exemple ses arguments comportent souvent le faible pourcentage de jeunes qui participent à telle ou telle action, ou le triste pourcentage de jeunes femmes au pouvoir dans la culture et le tourisme . Enfin il compte, comme Matteo Renzi, sur La Présidence européenne de l’Italie qui aidera. Et surtout sur la lassitude des italiens face à la crise, ajoutant en voix off lors de sa conférence de presse des phrases telles que « Les alibis doivent tomber !», ou « Les syndicats ont « localement » fait connaitre leur opposition, mais l’opinion est, en général, avec nous ! » pour lutter contre les conservatismes qu’il connait très bien. Avec l’aide de tous ses porte-voix, comme Roberto Rampi (Journal Europa) qui résume « Nous ne devons pas avoir peur du secteur privé, car qui investit dans la restauration du Patrimoine fait un geste « public ». Et le rôle du secteur public est bien de transformer ces ressources en « nouvelles ressources ». Pour résumer, en « italien facile » : «Ogni crisi rappresenta un’opportunità di ripensare organizzazione, motivazioni e obiettivi. I vantaggi saranno significativi sia per i cittadini che per lo sviluppo del territorio »dit le Ministre. Pour ce « ripensare », la Renaissance est donc sa métaphore préférée : bien regarder les « classiques » et les réinventer, les adapter à aujourd’hui, dit aussi régulièrement le ministre. Nous leur souhaitons de réussir !
Blagounette ! Il peut compter aussi sur sa ressemblance incroyable avec Nanni Morettti, pour les fans de cinéma…(Photo de gauche : Nanni Moretti, et à droite: Dario Franceschini).
POUR EN SAVOIR PLUS
LA RÉFORME EN DÉTAIL / VERS UNE NOUVELLE MIBACT, ICI
Le projet des Offices de Florence : ICI /
1) La presse italienne
– La révolution culturelle de Dario Franceschini (Europa, 17 juillet 2014), article suivi de »Même le Ministère change, voici la réforme!’.
– Le nouveau ministère : agile, efficace et moderne
– Pourquoi la culture est-elle le moteur du développement »
– Patrimoine culturel, Franceschini « Visons notre patrimoine, que le monde nous envie », Europa, 16 juin 2014
– Patrimoine culturel: Franceschini réactive les comités techniques et scientifiques
– La Fabrique de biens culturels (Europa, 8.04.2014)
– État de la dépense publique en Italie en comparaison avec d’autres pays et économies possibles,
– POMPEI « La CGIL à Franceschini « Nous ne sommes pas irresponsables » (24 juin 2014)
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– Si vous parlez italien, voir la conférence de presse de Dario Franceschini ici et ici.
2) EN FRANCE , LE JOURNAL DES ARTS a le premier mentionné cette révolution culturelle
3) Outils numériques : présentation d’une production du ministère MIBACT : un guide interactif des principales richesses d’Italie :
KEN LE TOURISTE PARFAIT regardait Capri depuis la magnifique terrasse de son Hôtel Sirenuse, à Positano, dont les orangers avaient encore quelques fleurs. Etonnant en été mais rien, sur la côte amalfitaine, ne résistait au micro-climat local. Il avait rendez-vous, entre deux voyages d’Affaires, avec Dario et Matteo pour visiter le chantier de Pompei, mais devait prendre son ex, Barbie Chérie à l’aéroport Napoli – Capodichino. En arrivant à Pompei, Barbie sauta de joie en criant à Ken « Génial ! Mais c’est quand le nouveau tremblement, dans 5 minutes ??? Sa copine Barbara lui avait dit, à Los Angeles, que « Pompei, c’était mieux que Dysneyland ! » ,alors Barbie croyait être dans un Parc à Thème….
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