I- LA FOLIE DE LA GASTRONOMIE Pour de nombreux français , la cuisine devient un loisir mais aussi une obsession, dont témoignent le succès des émissions télévisées, l’explosion des livres, des revues dédiées, des blogs et l’addiction aux jeux en ligne (Hayday, Restaurant Story ou Bakery Story). Cet été, pas moins de quatre numéros spéciaux de magazines d’actualité sur la Gastronomie, que nous vous présenterons aujourd’hui. Que cache cet engouement ? Cuisine-t-on mieux ? Plus souvent? L’art de la Table, les bonnes manières, le rang de la France -souvent absente, aujourd’hui, des premières places des classements officiels internationaux- et un nombre d’indicateurs remettent aussi en jeu notre fameuse suprématie française. En fait, le mot « gastronomie » est bien plus global qu’il n’y parait, car l’essentiel est aussi de bien comprendre la provenance, la nature et la valeur des produits utilisés – agriculture, industrie, Labels et sécurité sanitaire…- les modèles de la Restauration collective, l’économie d’un restaurant ou la formation des cuisiniers et des maîtres d’hôtels, bref, tout une série d’activités qui ne sont pas accessoires mais essentielles pour bien comprendre la Gastronomie. Aujourd’ hui nous ajouterons à ce panorama, bien trop lourd pour être détaillé dans un petit blog, un exemple de l’histoire et de la la géographie des produits culinaires, par lesquelles il faut sans doute commencer!
II- QUAND LES LÉGUMES FONT DU TOURISME Le 12 octobre 1492, Cristoforo Colombo*aborda les côtes américaines et découvrit avec émerveillement les plaines fertiles cultivées par les indiens. Le maïs, le piment puis, trente ans plus tard , le haricot, la pomme de terre, la citrouille ou la tomate et les fèves furent importées en Espagne par Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les rois catholiques espagnols. Sans l’Amérique, donc, pas de cassoulet, de pipérade, de gratin dauphinois ou de frites, pop corn au cinéma ; pas de tomates confites ou de gaspacho, de ratatouille ou de chocolats! Sans oublier les cacahuètes, les ananas, les fèves ou les fraises à la vanille…Ou encore, cerise sur le gâteau, la dinde, rôtie chaque Noël selon notre bonne vielle tradition! Tous ces produits viennent d’Amérique et, après une grande croisière sur l’Atlantique, ils ont rejoint l’ Espagne puis les autres pays d’Europe.
III- LA TOMATE INFERNALE Selon Clément Imbert **, qui cite l’historien de l’alimentation Florent Tellier, il fallût parfois plus de trois siècles pour construire des recettes à partir de ces nouveaux produits. Car , par exemple, la dinde était reconnue comme « comestible » car elle ressemblait aux paons et aux cygnes que l’on rôtissait déjà. Elle fut donc vite adoptée…pour passer au grill ; mais d’autres légumes eurent moins de chance : si le maïs fut adopté à Bayonne dès 1523 pour nourrir les animaux, si la citrouille ressemblait à notre gourde locale, Christophe Colomb jeta par dessus bord les fèves de cacao offertes par les Amérindiens car elles ressemblaient à des crottes de biques! Il faudra donc attendre Louis XIII et surtout l’amour de sa femme Anne d’Autriche pour le chocolat pour qu’il soit introduit en France en 1615. Même déboire pour les piments, que les espagnols expédièrent assez vite en Asie mais qui ne rejoignirent que très tardivement nos cuisines.
– La pomme de terre eut aussi une fortune bizarre : on ne la consomma pas avant la Révolution, même si Marie-Antoinette en faisait un autre usage : elle mettait des fleurs de pomme de terre dans ses cheveux, la coquette ! Mais la pomme de terre, comme la nomma Louis XVI, eut pendant plus d’un siècle une mauvaise réputation . Elle avait fait son apparition en France en 1616, mais il fallut attendre Antoine-Augustin Parmentier (1737-1813), pour démystifier les doutes sur sa consommation (elle transmettait la lèpre, incitait à la luxure…), grâce au stratagème bien connu du champ de patates gardé, donc « précieux, à voler » par des soldats armés…
– Enfin le pire fut sans doute l’épopée de la tomate qui dura deux siècles : un botaniste flamand affirmait encore, au XVIème siècle, que « Leur odeur forte et nauséabonde signale combien il est dangereux de les manger »! De la même famille que l la belladone et la mandragore, la tomate était supposée être un légume infernal, hallucinogène ou même mortel si on le consommait. La première recette de sauce tomate est espagnole, et date de 1692, deux siècles après son arrivée. Et ce sont les provençaux, proches de l’Italie et de l’Espagne déjà consommatrices, qui, à la fin du XVIIIème siècle, la firent « monter » à Paris.
*Cristoforo Colombo, navigateur italien né à Gênes le 31 octobre 1451. ** Nous avons résumé, dans notre billet, l’article de Clément Imbert de GeoHistoire ( cf.références ci-dessous en IV) : « Ce que nous devons à l’Amérique ».
IV- TROIS MAGAZINES CET ÉTÉ! Pour en savoir plus, très rapidement et très bien ! Les articles de ces trois magazines sont tous rédigés par des experts et de nombreuses bibliographies y figurent.
1) A table, Huit siècles de gastronomie française– GEOHISTOIRE, N°10, paru le 24 juillet 2013 – 6,90€- Téléchargeable pour seulement 5 ,99€. Au sommaire : L’invention des bonnes manières aux repas; Antonin Carême, le pâtissier des princes et des rois; Les surprises de la gastronomie médiévale ; Le repas qui coûta la vie à Vatel ; Le Guide des restaurants historiques ; 1920-1970 : l’âge d’or des cuisinières lyonnaises, etc…Et Ce que nous devons à l’Amérique, article repris par ce blog aujourd’hui sur les apports américains. (Photo de la couverture du magazine ci-dessus au § III)
2) A Table, Artisans, virtuoses et producteurs– Hors Série Le Monde- 7,50€ .Ce hors-série part de l’inscription, par l’Unesco, du « repas gastronomique des Français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, en 2010.Puis suit un copieux sommaire (cf notre photo ci-dessous, en toute fin du billet).
3) L’ère culinaire, 15 questions sur l’alimentation : un excellent dossier sur ce que manger veut dire, de la télécuisine à l’agriculture (Comment nourrir le monde ?), des dégoûts alimentaires à la nourriture de demain.Une bonne question aussi : la Gastronomie est-elle une invention française ? (Dossier coordonné par Christophe Rymarsky). Sciences HUMAINES N° 251- Août –Septembre 2013- 6,50€.
Enfin ces trois magazines peuvent aussi être complétés par la lecture des ROUTES QUI ONT CHANGÉ LE MONDE, de la voie romaine à Internet – Magazine N°302 de Juillet Août 2013 des ECHOS, qui fait le point sur toute l’histoire des grandes routes commerciales (Routes romaines, de la Soie, Route Hanséatique ou Route Jacques Coeur, Route du Blé) et des routes du Transports ( Routes du Rail, des Chameaux, des Câbles, des Airs). Les routes de la Finance (Venise), de l’argent(Séville). En ouvrant la partie historique à la Route du Numérique et celle des Glaces (Convoitises maritimes pour le pôle nord), le magazine fait un fameux tout du monde et de l’espace!
V- ET deux CONGRES ! DEUX !
Voir Facebook pour tout savoir sur ce Congrès, qui aura lieu à l’automne!
KEN LE TOURISTE PARFAIT A Table ! Avait dit le Touriste Parfait à Barbie Chérie et au Petit pour leur pique-nique royal au bord de la Route 66 . Au menu, un vrai repas américain : Verrine de haricots à la tomate et son coulis de fraises au sucre vanillé ; Dinde rôtie accompagnée de patates frites au piment, avec leur petite gelée de cacao et d’avocat, pour en adoucir le goût. Le clou au dessert, avec cette Tarte à la citrouille et à l’ananas nappée de Peanut Butter (Crème de cacahuètes)!Du Coca Zéro, of course, pour arroser tout ça. Gé-nial ! avaient répondu Barbie et Le Petit ! Ken avait pris son seul jour de vacances annuel, et ce petit sitting gastronomique lui faisait le plus grand bien, avant de repartir par monts et par vaux pour ses Affaires, ses incessants voyages et les pépites qu’il laissait partout sur son passage…
DANS NOTRE PANIER-PHOTOS CETTE SEMAINE, quelques légumes -touristes!
• Ananas Le nom ananas provient du terme guarani ananã qui signifie « fruit exquis ». Il fut découvert en Guadeloupe par Christophe Colomb en 1493, mais était endémique à l’époque dans toute l’Amérique tropicale. Ce fruit, de la famille des Broméliacées, est vraisemblablement originaire du Brésil (nana signifie parfumé en guarani).
• Arachide L’arachide est une légumineuse, appelée lacacahuatl par les Aztèques du Mexique, dont elle est originaire (d’où son nom de cacahouète). Le mot d’arachide vient du grec arakhidna (gesse).
• Avocat Aguacate en espagnol, dérivé du nahuatl Ahuacatlou Ahua guatl (testicule). L’avocatier était appelé en du terme nahuatl ahuacacuahuitl (arbre des testicules)
• Cacao, C’est une adaptation des termes cacáotl, cacáhuatl ou cacahuacuahuitl en nahuatl, et kakaw en maya du Yucatan. a donné naissance au chocolat, dérivé du terme nahuatl chocolatl (ou xocoatl), eau aigre. Les Aztèques firent fermenter et sécher les fèves et les broyèrent avant d’y ajouter de l’eau.
- Courge, courgette, potiron, citrouille : la grande famille des cucurbitacées vient d’Amérique. La courgette est une variété récente : c’est une petite courge récoltée avant son plein développement (première apparition du mot : Larousse 1929).
- Haricot : cultivé depuis plus de 7000 ans par les peuples de Méso-Amérique d’Amérique centrale et du Sud, il a été ramené en Espagne par Christophe Colomb.Il n’est cultivé en Europe qu’au XVIè siècle en Italie et dans le Sud de la France. Le traditionnel cassoulet ne date donc pas de la guerre de cent ans, comme on le dit souvent, mais n’a que trois cents ans (ou moins), comme la plupart de nos produits « du terroir ».
- Maïs (dérivant du terme d’origine taïno mahisi) est la plante fondatrice des civilisations qui vivaient dans les régions subtropicales du continent américain et des Antilles, avant l’arrivée des Espagnols qui l’importèrent en Europe puis au Moyen-Orient au XVIè siècle.
• Le piment appelé chile, dérivant du nahuatl chilli ou chilchotl s’il s’agit du piment vert, a été « découvert » par Christophe Colomb à Cuba en 1493. Le poivron, nommé … pimiento, est une variété de piment doux et apparaît en Europe du Sud à la fin du XVIIIè siècle. D’après Emmanuel LeRoy Ladurie, le piment, qui pouvait être cultivé sur place, a ainsi remplacé le poivre (importé donc cher) au XVIIIè siècle. Le paprika, aujourd’hui produit de terroir de la Hongrie, n’y serait couramment consommé que depuis le XIXè siècle. Le piment n’a été introduit en Inde qu’au XVIè siècle, par les Portugais.
• Pomme de terre : elle fut domestiquée il y a environ 8000 ans, sur les hauts plateaux andins, près des rives du lac Titicaca. Les Indiens des Andes appelaient la pomme de terre « Papa » (nom qui subsiste dans toute l’Amérique Latine). Le terme patate dérive de batata, qui était le nom donné par les Indiens des Caraïbes à la patate douce.
• Tomate La tomate est originaire du Mexique. D’abord considérée comme médicinale ou toxique (XVIè siècle), elle devient plante ornementale (1760, catalogue Vilmorin-Andrieux), et enfin légume en 1785. Il faut attendre le XIXè siècle pour que sa consommation se développe. Elle est généralement appelée Jitomate, surtout dans le centre du Mexique, terme qui dérive du nahuatl Xictomatl ou Jitomalt, qui signifie « tomate de nombril » en référence à la queue de la tomate qui paraît être un nombril.
• Fraise : en 1714, le croisement entre différents plants par Frézier donna enfin naissance à une variété hermaphrodite, la fraise ananas, mère de toutes les fraises hybrides (il y a près d’un millier de variétés aujourd’hui) que nous mangeons aujourd’hui.
- La vanille, enfin, est le fruit d’une orchidée tropicale d’Amérique centrale. Sa culture fut très difficile à réussir hors de sa zone d’origine car elle est impossible sans la présence de mélipones (abeilles sans aiguillon) qui assurent sa fécondation et la fécondation artificielle a été imaginée vers 1830.
– Pour cet abécédaire, (Voir nos sources ici).
cf.IV- Le Monde : NUMÉRO « A TABLE! », CONSACRÉ à LA GASTRONOMIE, AOÛT 2013 – SOMMAIRE
A la semaine prochaine pour de nouvelles aventures!