LES RETOMBEES ECONOMIQUES DU PATRIMOINE
L’Etat mais aussi des régions, départements, communes et leurs partenaires ont décidé de réaliser le calcul des retombées économiques du Patrimoine, et de communiquer sur le sujet.
Comment ?
À la suite à l’étude, en 2005, des retombées du patrimoine en région PACA, qui avait démontré que le patrimoine engendrait près de 1,2 milliard d’euros de revenus annuels, le ministère de la Culture a commandé à l’excellente ARP (Agence régionale du patrimoine en région PACA) une étude similaire à l’échelle nationale. L’objectif de la direction de l’Architecture et du Patrimoine était clair : tenter d’évaluer, avec la même méthodologie que celle de l’étude PACA, le retour sur investissement des crédits publics consacrés à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine protégé. Les résultats, publiés en mars 2009, parlent d’eux-mêmes. D’après les données collectées, l’impact économique du secteur se chiffre à environ 21 milliards d’euros soit, selon l’étude, plus de vingt fois supérieur à la dépense publique.
Pourquoi ?
1) Parce que la Patrimoine rapporte! Il semble, dit la présentation de l’étude nationale, que nous ayons des idées reçues : le patrimoine et la culture « rapportent » même s’ils coûtent cher. Il faut donc, comme le fit Xavier Greffe dès 2000, mieux faire savoir que le patrimoine historique est aussi une source de retombées économiques, d’emplois et donc de développement local des territoires.
Il y a bien en France, un large consensus : à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, nos maires, nos députés et sénateurs affirment que ce patrimoine est notre bien précieux, et que connaître la France, c’est connaître sa culture et son patrimoine. Pourtant, dès qu’ils veulent lever des impôts pour le protéger de façon parfaite, pour le faire vivre et développer les équipes techniques qui en ont la charge, il n’y a plus grand monde pour les suivre…
2) Parce que l’Etat culturel et les régions veulent poser deux questions à Bercy
– Comment calculer ces retombées, quelles sont les meilleures méthodes, qui peut le faire, qu’en attendre ?
– De toutes ces retombées, directes, indirectes et induites, tous ces emplois créés, quelles sommes pourraient éventuellement retomber sur le patrimoine?
3) Comment la Culture pourrait-elle mieux profiter des retombées ?
Si elles sont avérées, peuvent être chiffrées, la question est : Où l’argent, les emplois, « retombent »-ils ? Car pour faire fonctionner et investir dans les lieux du patrimoine, pour les restaurer, les préserver, il faudrait « isoler » ces retombées propres au patrimoine (visites, billetterie, métiers, emplois, tourisme..) et les récupérer, au moins en partie.
Techniquement, cela veut aussi dire qu’il faudrait créer un support technique, une nouvelle procédure, pour y placer ces retombées avant de les réutiliser.
4)Mais cela risque d’être difficile . Car il est très difficile d’isoler, pour une politique locale tel ou tel objectif en dehors de ceux de ses priorités directes. Voici quelques priorités vitales, avant celle de la culture, pour la plupart des collectivités locales, leurs habitants, leurs élus : Sécurité/Economie, développement, PME/ Santé/Travail et Emploi/Logement/Transports/Education/Environnement et Développement Durable/. S’il faut y ajouter la culture, il sera sans doute difficile de cibler le seul « patrimoine ». Pourquoi calculer les retombées du patrimoine en dehors de celles du Spectacle Vivant ou de la création artistique, du Livre ou du Cinéma? Les élus, les habitants seront-ils d’accord? Concrètement, les études nationales ne parlent pas de la réalité locale, mais de « moyennes ». L’étude propose des exemples de sites très différents, comme châteaux, églises, abbayes, fouilles archéologiques, villes d’histoire, quartiers protégés, sites naturels et culturels…Et en milieu urbain, ou en milieu rural, pour lequels il faut conduire des actions concrètes très différentes.. Même si cela confirme des résultats que l’on connaissait depuis des années, Il est très toujours difficile de « rapporter son propre cas », souhait de tout opérateur, dans ces résultats des retombées économqiues. La promotion d’une ville, d’un terroir rural est « globale » et met le paquet, si l’on peut dire, sur l’ensemble de son offre. Même si elle valorise toujours le patrimoine, la promotion ne peut pas prioriser systématiquement ce patrimoine, sauf exceptions ( Mont saint Michel, Carassonne ou Tour Eiffel!). La promotion des territoires a plutôt a intérêt à diversifier, actualiser et renouveler cette offre pour garder l’ « attractivité » , en permanence, de son territoire, et lutter contre la concurrence que lui font ses voisins français et européens, par exemple. Aujourd’hui la promotion des régions s’appuie sur les nouvelles tendances que sont, par exemple, l’écologie, le Durable… ou les nouveaux modes de Camping !
– Le développement et parfois, hélas, la survie d’un territoire passent donc par une redynamisation globale de celui-ci, et la visite du patrimoine est tout simplement l’une des composantes, l’une des activités de loisirs possibles sur ce territoire, entre autres, car il faut ajouter tous l’éventail des autres posssibilités : Nature, Sport, Pêche, Artisanat, Gastronomie ; Tourisme Urbain, Rural, Balnéaire ; Équestre, de Bien-être, d’ Affaires… Shopping, Randonnée ou Découverte viti-vinicole…Les grandes entrées sont multiples et, de plus, ces thématiques se croisent. le Tourisme Culturel pourrait en profiter et croiser davantage la visite culturelle avec ces usages sociaux du Tourisme!
UNE PRECAUTION AVANT D’INTERPRETER LES CHIFFRES …
Avant de rapporter ces chiffres à votre cas spécifique, il est important de connaître comment le calcul a été fait, sur quelles bases, et ce que les chiffres représentent, comme, par exemple :
– Les chiffres comprennent-ils les salaires des acteurs du patrimoine de la Région?
– Les chiffres font, en général, la moyenne entre les résultats de tous petits lieux et ceux de gos Block Buster locaux, qu’en est-il au juste?
…ET UN PETIT CONSEIL : NE JAMAIS BAISSER LES BRAS!
le patrimoine français représente 80% des représentations de la France et des motivations pour la visiter ! Seulement 15% des visiteurs se rendent effectivement sur un site patrimonial. La marge est donc grande, entre leurs désirs et la réalité, il s’agit donc de mieux les accueillir, et, surtout, de mieux préparer, bien en amont, leur accueil. Exemple : réussir les Sites Internet où 70% des visiteurs choisissent leur destination aujourd’hui. Car une infime partie des sites Internet culturels qui présentent le Patrimoine correspond à ce que souhaitent les visiteurs pour préparer leur séjour, leur visite, d’après toutes les études et les experts dont nous parlons beaucoup sur ce blog.
– Les visites fréquentes du Patrimoine sont faites par un groupe de visiteurs au profil assez connu : Bac et études supérieures, CSP+, revenus supérieurs à la moyenne, etc…Elargir la visite à de nouveaux profils offre aussi une grande marge d’actions !
– Les acteurs du patrimoine, nombre d’études des retombées le soulignent, dans les « freins au développement du calcul des retombées économiques », ne sont pas très formés à l’économie, à l’accueil, en amont, des visiteurs. L’étude des modèles économqiues possibles ou celle comportements des visiteurs est pourtant indispensable, et l’étude des visiteurs potentiels incontournable. Une nouvelle « agence régionale » du patrimoine par région, pour coordonner les interventions de l’Etat, celles des collectivités territoriales, est -elle une très bonne idée? N’est-il pas plus urgent de modifier et d’améliorer l’offre, pour qu’elle soit plus accessible? Ou de développer la fréquentation, puisqu’il y a des marges importantes?Ne recule-t-on pas, en créant un nouveau support, recule encore, les échéances de l’amélioration du patrimoine, de la formation des acteurs? Et sans garantie de succès. Et, avec l’existant, les centaines de personnes qui s’en occupent (DRAC, Régions, départements, communes…) ne peut-on pas faire mieux, en leur sein ? Faut-il encore un coordinateur de plus? Avec une légitimité « moyenne », celle qu’accepteront de leur concéder tous les élus et professionnels déjà à l’oeuvre sur le sujet ? Ces travaux de coordination, de retombées, sont chers , si l’on veut que ce soit très bien fait. Peut-on, aujourd’hui, recruter un excellente expertise – économistes, statisticiens, stratéges…- avec les moyens qu’il faut y mettre? Ce qui fut une très brillante idée, exceptionnel, la création l’ARP en PACA, peut-il être, en temps de crise, reconduit et généralisé à d’autres régions aujourd’hui?
EN CONCLUSION L’étude des retombées est incontournable! On ne peut que se réjouir de voir les préconisations d’un Xavier Greffe, que nous avons la chance d’avoir en France, d’ailleurs, enfin prises en compte et largement diffusées .
Suite au calcul des retombées, la région et le département ou les communes préfèreront donc, la plupart du temps, investir dans tout ce qui apportera réellement une meilleure gestion ou fréquentation des sites culturels. On sait que cela est possible, et que tout n’a pas été fait, loin s’en faut, en France, pour améliorer cette fréquentation culturelle! Il faudrait, selon nous, et suite à ces résultats , que les deux filières se mettent sérieusement à travailler ensemble, comme nous l’avons proposé récemment avec de nombreux techniciens dans l’ouvrage « Tourisme et Culture, travailler ensemble, créer une offre et la commercialiser », www.odit-france.fr. Et, en parallèle, introduire ces sujets dans la formation des uns et des autres! Car il ne suffit pas de refaire le hall d’accueil, il faut surtout revoir les modèles économiques ou bien connaître le profil et les comportements des visteurs touristiques, et agir bien en amont de l’accueil. Hélas, les visiteurs touristiques, par exemple, sont souvent laissés de côté par la Culture, qui leur préfère les habitants de la proximité ( Davantage de moyens, de personnels, de directives, de procédures pour les publics de proximité…). Quant au Tourisme, ses métiers, ses objectifs sont d’accueillir en France un maximum de visiteurs, de les loger, de les transporter et de leur proposer des activités! Et c’est sans doute déjà difficile de le faire pour 82 millions de touristes étrangers par an!
POUR EN SAVOIR PLUS ! Tous les ouvrages de Xavier Greffe !
– Et les liens suivants :
– ARP, agence régionale du patrimoine en PACA : http://www.patrimoine-paca.com/
– Et son Guide méthodologique pour l’analyse des impacts du patrimoine sur les territoires http://www.patrimoine-paca.com/spip.php?article72
– Tous les chiffres : Sur la base d’un investissement de l’État pour la restauration du patrimoine compris entre 30 % à 50 %, 1 euro investi dans le patrimoine génère entre 28 et 31 euros de retombées économiques en France métropolitaine et 6 euros dans les DOM-TOM.Le montant des recettes directes, plus de 500 millions d’euros, réalisées principalement par la billetterie, est deux fois supérieur au budget annuel de l’État pour des travaux de restauration et d’entretien.
L’impact social se chiffre quant à lui à 500 000 emplois, un emploi direct dans le patrimoine engendrant 15 emplois indirects et induits. Ces emplois sont non-délocalisables et pratiquement tous « exportables » !Pour la suite des résultats: Etude de la Région Languedoc Roussillon, réalisée par FIGESMA, très intéressante, sur le site du CRT de la région http://www.sunfrance.com/acces_professionnels/presse/communiques_de_presse/etude_suite_aux_rencontres_regionales_patrimoine_tourisme_economie
Les autres études sur les retombées du Patrimoine, mars 2009 : www.impact-patrimoine.fr
KEN LE TOURISTE PARFAIT !
Ken, qui ne lit, comme vous l’avez maintenant compris, que La Tribune, La Vie Financière et les Echos de l’autre patrimoine, le patrimoine boursier et des autres revenus, a juste hurlé de joie en découvrant cette étude nationale! Enfin ça l’intéressait, la culture, notre Touriste Parfait ! Il avait d’ailleurs pris une décision. Il irait faire un petit tour pour visiter un monument, un de ces jours…
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Le jour où l’on saura reconnaître la valeur économique de la culture, son poste budgétaire sera plus fourni.
[…] : Les retombées économiques du patrimoine – Enquête Le patrimoine enrichit l’économie – Des trésors de moins en moins […]
[…] 1) Lire l’étude complète :Etude nationale des retombées économiques et sociales du patrimoine, Agence régionale du patrimoine PACA et ministère de la culture, publiée en mars 2009. On y trouvera les critères et la méthodologie, les mises en garde habituelles des limites de ce type d’étude et de la méthodologie. Mais, même si, dans l’étude, sont mélangés les gros monuments, par exemple, et le tout petit patrimoine vernaculaire (Du Louvre à la toute petite église locale ouverte 40 jours par an…, ou encore des régions et des départements très touristiques et d’autres qui ne le sont pas, etc…), ces chiffres donnent cependant un ordre de grandeur. Ils devraient convaincre les élus et enlever au moins quelques idées reçues, dont celle que le patrimoine culturel est « trop cher ». Et ces chiffres devraient aussi, à notre avis, inciter les communes concernées à faire que ces retombées ne soient pas qu’un miroir aux alouettes, mais « retombent » aussi directement sur la culture, et en particulier sur la restauration du patrimoine et la création de compétences touristiques en leur sein, comme le fait la très dynamique Abbaye de Fontevraud en ce moment. Les directeurs des sites seraient peut-être plus motivés pour mieux accueillir leurs publics potentiels et développer bien en amont la fréquentation touristique des sites, qui sait? Autre lien, sur ce blog, un article écrit en 2009. […]
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