•Comment réinventer la culture, ou plutôt les rapports entre les citoyens et la culture ? Quelles leçons tirer de cette grande panne de sécurité sanitaire ? Que réinventer, et comment ?
Ces dernières semaines sont apparues des réflexions vraiment très intéressantes, qui réinterrogent nos « modèles dominants », et aujourd’hui nous donnons la parole à de Sylvain Amic, que je remercie de son autorisation pour diffuser son beau texte ! Sylvain Amic dirige la Réunion des Musées métropolitains Rouen-Normandie, et nous vous avions présenté ses projets dans ce billet du blog, l’an dernier: Rouen et sa chambre des Visiteurs .
– Dans ce texte, ci-dessous, sont évoqués les sujets de « demain », à commencer par la fréquentation qu’il faudra diviser par trois, si on veut respecter la distanciation dans la visite des groupes, par exemple. Faudra-t-il exposer jour et nuit pour que l’exposition soit rentable? Sans doute, que non, mais les expositions de chefs d’œuvre venus d’ailleurs sont aussi compromises : les prix des assurances vont augmenter et les préteurs hésiteront à prendre des risques.
Si par hasard, enfin, il y avait un plan de relance pour les musées, quelles priorités retenir? Selon Sylvain, n’oublions pas à la prévention (catastrophes climatiques ou sanitaires). Et interrogeons-nous pour que demain revive ce désir de musées qu’ont les visiteurs, car ces lieux ne sont jamais des lieux d’échec (contrairement à l’école, pour certains…), ils peuvent aider à vivre !
Et même à soigner, à guérir, comme l’a démontré Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du Musée des Beaux-Arts de Montréal (Canada), avec son expérience d’Art Thérapie, l’an dernier.(Photo: sculpture de Joan Miro (1893-1983), Jeune fille s’évadant, 1967)
I- APRÈS LE COVID, RÉINVENTER LES MUSÉES
• Un beau texte de texte Sylvain Amic, Directeur de la Réunion des Musées Métropolitains – Rouen Normandie . Ce texte a été publié le 10 mai 2020 sur LinkedIn
« Avec la crise du Covid-19, le secteur des musées est soumis à un stress-test qui invite à reconsidérer les modèles dominants. L’économie culturelle qui a fait florès ces dernières décennies est-elle toujours de mise ?
L’intervention du premier ministre le 28 avril dernier aura au moins fait quelques heureux : le critique d’art Didier Rykner, qui dans la Tribune de l’Art le 15 avril avait appelé à la réouverture des «petits musées parisiens ou [des] musées de province qui ont souvent peu de visiteurs » , et les universitaires Stéphanie Vergnaud et Jean-Michel Tobelem qui militaient pour la même cause dans Libération du 16 avril, auront apprécié d’apprendre que les « petits musées, si importants pour la vie culturelle de nos territoires, pourront rouvrir leurs portes dès le 11 mai ».(Mais non ce n’est pas Sylvain Amic, cest « Paul Alexandre devant un miroir, de Modigliani, voir réf. en bas du billet).
Les professionnels des musées étaient-ils demandeurs ? Ils ne se sont en tous cas pas exprimés collectivement sur le sujet et répondront à cet appel à la réouverture en ordre dispersé. Mobilisés depuis des semaines pour gérer les conséquences d’un freinage d’urgence qui a coupé net la montée de sève des expositions printanières, les musées sont bien en peine d’imaginer une reprise d’activité tant leurs fondamentaux sont bouleversés. K.O. debout, ils se seraient sans doute bien passés de voir installée dans le débat une dichotomie entre « petits » et « grands », entre le local et le national, voire entre le « repli sur soi » et « l’ouverture » tant ces catégories correspondent peu à la réalité du terrain : l’exposition Delacroix qui a battu des records au Louvre aurait-elle pu se passer de la soixantaine d’œuvres issues des petits cousins de province, et la récente floraison des expositions Picasso ne montre-elle pas comment les collections des grands musées nationaux circulent dans les territoires ?
Beaucoup plus profondes sont les fractures qui menacent l’activité des musées dans un proche avenir. Le modèle sur lequel leur attractivité reposait depuis plusieurs décennies, « l’exposition événement » était déjà en crise : il est désormais en passe de devenir obsolète. On frémit à la pensée que le coronavirus se soit déclaré un an plus tôt : le naufrage de l’exposition Toutankhamon aurait probablement entraîné celui de la Grande Halle de la Villette. Comment rentabiliser de semblables investissements au temps de la distanciation sociale ? Avec des jauges réduites des deux tiers, il faudrait ouvrir ces expositions nuit et jour pour atteindre ne serait-ce que le point d’équilibre. Demain, si la réouverture des frontières permet d’imaginer à nouveau ce type de grande manifestation, la forte hausse annoncée des taux d’assurance en aura encore renchéri le coût. Et que dire des expositions « chefs-d’œuvre contre dollars » si utiles à l’équilibre des comptes des grands musées ? Il est probable que la demande accuse une forte baisse et que la location des collections apparaisse désormais un âge d’or bien lointain.
Alors que la France connaît sa pire récession depuis 1949, un gouffre s’ouvre dans les trésoreries des établissements public à caractère culturel dont le fonctionnement est gagé sur de fortes recettes de billetterie. L’équilibre des comptes ne pourra être rétabli qu’en puisant dans les fonds de roulement, ceux-là même qui garantissent les investissements de demain, comme les projets d’agrandissement, ou la simple maintenance de bâtiments souvent coûteux. Cette économie de rente liée à d’importants flux, en particulier touristiques, est-elle encore viable ? Les musées qui ont pris le virage de la gratuité apparaissent en meilleure posture pour résister à cette crise. Certes, leur budget de fonctionnement et d’expositions sera sans doute affecté ; mais en rééquilibrant leur activité vers des collections offertes en accès libre, ils ont su permettre non seulement la réappropriation par chacun d’un bien commun, mais encore se mettre à l’abri des fluctuations de fréquentation.
Car combien de crises les musées ont-ils déjà dû affronter ? En cinq ans, se sont succédé les attentats, les grèves massives, les émeutes urbaines, et maintenant une pandémie. Il faudra bientôt compter avec les phénomènes climatiques exceptionnels, chaleur extrême, pluies torrentielles, auxquels les musées avec leurs belles verrières sont si peu préparés. Si de l’argent public peut être mobilisé en faveur des musées dans les plans de relance, n’est-ce pas à la prévention de ces risques qu’il devrait être affecté ? Combien de musées de France sont à ce jour équipés de portiques de sécurité, de salles d’accueil pour les groupes ? Combien pourront réaliser les travaux nécessaires pour adapter leurs services et leurs espaces aux nouvelles dispositions sanitaires ? L’après Covid-19 si « après » il y a, suppose pour les musées de réduire leur exposition aux risques et d’offrir aux visiteurs toutes les garanties nécessaires à leur sécurité.
Encore faudrait-il que le désir de musées ne sorte pas émoussé de cet épisode de confinement. Les sympathiques tableaux vivants qui ont fleuri sur les réseaux sociaux ne doivent pas faire illusion : les musées ne sont comptés ni dans les besoins de première nécessité, ni parmi les instruments de la reprise économique. Pourtant, si les musées ont traversé deux guerres mondiales, ce n’est pas pour le supplément d’âme qu’ils procurent, ou parce qu’ils sont une distraction d’oisifs érudits, ou comme faire valoir du marketing territorial. Les générations qui nous ont précédés ne connaissaient pas le concept d’économie culturelle, mais elles étaient convaincues de l’utilité des musées, grands et petits, pour la reconstruction de la Nation. Oui, les musées sont des lieux politiques sur lesquels nos sociétés peuvent s’appuyer pour surmonter leurs difficultés, des lieux où la complexité du monde se dénoue, des lieux où chacun peut trouver tout au long de la vie ce que la famille ou l’école ne lui ont pas donné. Sachons réorienter notre action en ce sens, maintenant. Car aucun masque, aucun gel hydroalcoolique, aucun geste barrière ne suffiront seuls à motiver le retour des visiteurs. »
Sylvain Amic
Directeur de la Réunion des Musées Métropolitains – Rouen Normandie
II- LE MUSÉE SOIGNE-T-IL ?
L’art sur ordonnance ? Une visite de musée prescrite par votre médecin pour votre santé ?
Directrice générale et conservatrice en chef du Musée des Beaux-Arts de Montréal (Canada), Nathalie Bondil a conduit un projet en 2019 qui a permis à des médecins d’envoyer leurs patients au musée. Ce projet pilote de l’année 2019 fut conduit par le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) et l’Association des médecins francophones du Canada (MdFC). Des patients ont donc bénéficié de « prescriptions muséales!
« Nous faisons déjà beaucoup d’art thérapie au musée : un art-thérapeute est présent à plein temps – une première dans un musée – et nous proposons des ateliers spécialisés, un espace de création (baptisé la Ruche d’art), qui met gratuitement à disposition du matériel artistique. Nous avons des projets pilotes, parfois très complexes, autour de l’autisme, de la maladie d’Alzheimer ou encore de santé mentale.
Ce qui est intéressant avec ce dispositif, c’est que ce sont des médecins qui vont expliquer au patient les avantages de ce type d’immersion esthétique, indiquer en quoi elle génère des phénomènes physico-chimiques et libère des hormones liées au bien-être »! En savoir plus, ici , et voir la page sur l’art Thérapie du Musée des Beaux-Arts de Montréal, là!
III- Le MUSÉE , lien local entre les citoyens ?
Nathalie Bondil, quand on lui demande la différence entre les musées du Canada et ceux de la France, répond : « La différence est celle de la gouvernance – et de la place des citoyens dans les musées. En France, le système même des musées est encore très lié à l’administration ; à l’inverse, en Amérique, les musées sont des institutions qui ont été créées non pas pour recevoir et conserver des trésors d’un passé glorieux mais pour enrichir un patrimoine local.
Le rapport au public et la représentation citoyenne y sont très différents. De plus, le public fait partie de notre quotidien sous la forme des bénévoles – 30% des Canadiens font du bénévolat et ils sont très présents dans les musées. Ainsi, le MBAM est une association à but non lucratif et le conseil d’administration est incarné par des bénévoles. Mes patrons sont des bénévoles et les propriétaires du musée, ce sont les membres !
POUR EN SAVOIR PLUS
Après le Covid, réinventer les musées , de Sylvain Amic | 10 mai 2020- Retrouver cet article sur LinkedIn, voici le lien, ICI , ou sur son compte Sylvain Amic . Et la Programmation du Musées des Beaux-arts de Rouen, Là!
•QUI EST SYLVAIN AMIC ? Après de solides études scientifiques (Bac E puis DEUG de Physique), Sylvain Amic se tourne vers l’Education Nationale.Pendant huit années d’enseignement, il poursuit en parallèle d’autres études, Langue et Civilisation Chinoise, puis Histoire de l’Art. Lauréat du concours de l’Ecole Nationale du Patrimoine en 1998, il se voit confier à sa sortie la charge de ‘Conservateur XIXe, Art moderne et contemporain’ au Musée Fabre de Montpellier. Il est, depuis septembre 2011, Directeur des Musées de Rouen. (ci-contre Sylvain .Amic)(CV d’un interview de Sylvain Amic par les amis de l’Ecole de Rouen (2015, à voir ici ! )
Photos
Amedeo Modigliani —Paul Alexandre devant un vitrage (voir la fiche ) 1913- Huile sur toile, 80X45 cm. Source : Le projet Yorck (2002) 10 000 Meisterwerke der Malerei (DVD-ROM), distribué par DIRECTMEDIA Publishing GmbH. L’œuvre d’art représentée sur cette image et sa reproduction sont du domaine public dans le monde entier. La reproduction fait partie d’une collection de reproductions compilée par The Yorck Project . Le droit d’auteur de la compilation est détenu par Zenodot Verlagsgesellschaft mbH et sous licence GNU Free Documentation License Musée des Beaux Arts Rouen.
Alfred Sisley, La Place du Chenil à Marly, effet de neige (1876) huile sur toile. 50 cm X61,5 cm Auteur: Mazanto voir la fiche complète, ici. Musée des Beaux Arts de Rouen -Cette œuvre est dans le domaine public dans son pays d’origine et dans d’autres pays et régions où la durée du droit d’auteur est la vie de l’auteur plus 100 ans ou moins .
Monet, La Rue Saint-Denis (1878).Huile sur toile 76X52 cm cm 4ème exposition impressionnistes); Largeur: 52- Le projet Yorck (2002) et Wikidata: WikiProject somme de toutes les peintures / Collection / Musée des Beaux-Arts de Rouen
L’œuvre d’art représentée sur cette image et sa reproduction sont du domaine public dans le monde entier, sous licence GNU Free Documentation License .
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KEN LE TOURISTE PARFAIT se frottait les mains : les affaires reprenaient, déjà, et il allait retrouver sa forme après des semaines de télé-travail dans leur villa de L.A…Il apportait l’apéritif à son ex, Barbie Chérie, au bord de la piscine, mais il la trouva en larmes. Gros, gros, très gros sanglots ! Que se passe-t-il ? Entre deux hoquets, Barbie se confessa : « Ken, c’est le Covid ! J’ai terriblement grossi! Sur la balance, j’ai pris….223 grammes, en un mois ! ». Aïe, se dit Ken, éviter le pire…Vite, aller au musée, chez Nathalie, à Montréal !
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