Depuis hier la presse reprend la nouvelle : La Saline royale d’Arc et Senans, chef d’oeuvre d’architecture visionnaire du XVIIIe siècle, est aujourd’hui menacée par…la construction d’un parc de huit d’éoliennes aux alentours. Un projet de 24 millions d’euros, mené par le groupe Riverstone, via sa filiale Énergie des deux vallées, contre l’avis de nombreux habitants et tous les amateurs du patrimoine.
Pour conclure notre article sur les éoliennes contre, tout conte le patrimoine, qui vous présentait, la semaine dernière, les nuisances et les coûts de cette énergie, nous allons donc vous présenter cette manufacture, œuvre de l’architecte Claude Nicolas Ledoux qui voulut construire une cité idéale et fraternelle. Devenue aujourd’hui un centre culturel avec 120 000 visiteurs par an, classée Patrimoine mondial de l’Humanité depuis 1982, la Saline Royale d’Arc et Senans (Doubs/Franche-Comté) devra peut-être son salut à l’Unesco, dans les semaines qui viennent, pour arrêter le projet de construction des éoliennes. Un argument de poids : selon l’Ademe agence de l’environnement et de l’énergie en France) , la Franche-Comté a une particularité: celle d’être l’une des régions les moins venteuses de France 🙂 .Enfin ce chef d’œuvre d’architecture, hâvre de paix au milieu de jardins, accueille les visiteurs dans un hôtel trois étoiles depuis peu, et on n’ose imaginer la mauvaise publicité que ferait un nouveau scandale environnemental auprès de ses hôtes français et étrangers.
I- DÉCOUVRIR LA SALINE en compagnie de Véronique Barcelo, directrice du domaine, et d’Agathe Colin, guide médiateur culturel, dans ce court film d’ Aziz Benmansour :
II – UNE CITÉ IDÉALE, SANS HÔPITAL ET SANS PRISON!
de Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), architecte visionnaire du siècle des Lumières. Elle constitue également un témoignage rare dans l’histoire de l’architecture industrielle. Manufacture destinée à la production de sel, la Saline Royale a été créée de par la volonté de Louis XV et construite entre 1775 et 1779, soit 10 ans avant la Révolution Française. Une dizaine de bâtiments la composent, autour d’un demi-cercle parfait sur huit hectares et demi.En fait Ledoux voulait construire toute une cité, avec écoles, commerces et habitations pour les ouvriers mais il faillit bien être guillotiné à la Révolution, tomba en disgrâce et son projet aussi.
Le Projet : on rêve devant l’importance des travaux et la rapidité de la décision pour un projet aussi « fou »pour son époque! « La décision de construire la nouvelle saline fut prise par un arrêt du Conseil du 29 avril 17732. Le lieu de la construction de la saline fut défini par une commission technique désignée par la ferme générale : ce sera entre les villages d’Arc et de Senans. Ce site présentait plusieurs intérêts : c’était une plaine dégagée, située à proximité de la Loue et de la forêt royale de Chaux, forêt de plus de 40 000 arpents. De plus, il se trouvait au centre du continent : il pouvait communiquer avec la Méditerranée par le canal de Dole, et avec la mer du Nord et le port d’Anvers par le Rhin. Enfin, la Suisse était relativement proche, ce qui était à l’époque un atout important du fait de la forte demande de ce pays en sel. » (Wikipedia)
Le projet prévoyait la production d’environ 60 000 quintaux de sel par an, ce qui représentait environ 100 000 tonnes d’eau à évaporer par an à raison d’une concentration de 30 grammesde sel par litre de saumure.
Le projet d’édification fut validé par Louis XV le 27 avril 1774 ( peu de temps avant sa mort, le 10 mai 1774).
III- UNE MANUFACTURE AUX ALLURES DE PALAIS C’est une manufacture construite comme un palais ! dit Louis XV qui refusa le projet complet. Ledoux avait vu grand. Un palais éclaté en 11 bâtiments fonctionnels, avec des colonnes classiques et un nouvel ordre inventé par Ledoux pour les colonnades du bâtiment principal, la maison du directeur. Le rêve de l’architecte était que le « vivre ensemble » apporterait, grâce à une belle architecture et à la nature environnante, une totale absence de la maladie et une « bonté » naturelle aux hommes qui y vivraient et pourraient « méditer » dans la nature. Pas d’hôpitaux, pas de prison. La philosophie de Rousseau et les Encyclopédistes des Lumières portaient le projet. Et c’est bien l’architecture et la nature qui devaient transformer la société, rendre ‘homme bon, lui apporter le progrès.
IV- LES MODÈLES DE NICOLAS LEDOUX L’architecte des Salines Royales avait visité en Angleterre dans les années 1769-1771 l’architecture « palladienne », avec ses colonnes et ses figures obligées telles que les serliennes et les péristyles.Nicolas Ledoux puise aussi dans les sources anglaises, celles de Thomas More et de son « Utopia », livre paru 1516, fondateur de la pensée utopiste et qui connut un grand un succès en France au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. Les Utopiens de Thomas More ( 1478- 1535) habitent « cinquante-quatre villes toutes bâties sur le même plan, l’habitat devant exprimer et déterminer le caractère égalitaire de l’organisation sociale ». (Le pape Jean-Paul II a d’ailleurs désigné Thomas More saint patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques en l’an 2000, et Il figure en bonne place parmi les précurseurs du socialisme avec un obélisque au pied du Kremlin à Moscou…).
– Enfin n’oublions pas les influences de la Renaissance italienne, les premiers modèles de « cités idéales » ayant pris forme au milieu du XVéme siècle avec une une ample réflexion sur la cité idéale, qui fait de la ville, en tant que telle, un objet de l’art. Le traité d’Alberti De re aedificatoria, écrit entre 1444 et 1472 et publié en 1485 , initia cette réflexion. .
Légende de la Photo : La Cité idéale, d’abord attribuée à Piero della Francesca puis à Luciano Laurana et maintenant à Francesco di Giorgio Martini ou Melozzo da Forlì Incarnation intellectuelle et matérielle de l’utopie, la Cité idéale est une conception urbanistique visant à la perfection architecturale et humaine. Elle aspire à bâtir et à faire vivre en harmonie une organisation sociale singulière basée sur certains préceptes moraux et politiques.
V- UNE SALINE DEVENUE CENTRE CULTUREL…
La Saline royale d’Arc-et-Senans, membre de l’Association des Centres Culturels de Rencontre (ACCR)propose donc un musée de son histoire, un parcours de son patrimoine et de ses jardins, un lieu de congrès, de colloques, de séminaires d’entreprises, de résidences de création, ainsi qu’un espace de programmation culturelle événementielle (Festival des jardins ; expositions, concerts, etc…). Depuis 2009 un l’EPCC, forme juridique de gestion de La Saline royale, associe dans son conseil d’administration le département du Doubs, la région Franche-Comté, l’Etat ainsi que les villes de Besançon, de Salins-les-Bains et d’Arc-et-Senans. Pour fonctionner, la Saline dispose d’un budget annuel 3 400 000 euros et d’une équipe de 45 personnes.
EN SAVOIR PLUS
-Sur les éoliennes, c’est ici . Et merci encore à Patrimoine en blog pour l’info! Sur l’Hôtel de la Saline Royale, ici et sur leur site Facebook
…AVEC UN HÔTEL!
La Saline royale d’Arc et Senans est l’un des rares sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO offrant des capacités d’hébergement pour les groupes comme les touristes individuels et classé « hôtel 3 étoiles ». L’Hôtel est ouvert du 1er mars au 31 octobre, avec 31 chambres aux bâtiments des Gardes, de la Gabelle ou Berniers (84€ par personne en chambre individuelle et 113 € pour une chambre double et 10€ le petit-déjeuner.). Les chambres ont été rénovées par l’architecte Jean-Michel Wilmotte et un éclairage de nuit du site a été créé par Michel Verjux. Séjourner à la Saline, c’est aussi ce privilège s’approprier le monument ou ses jardins la nuit ou le matin, avant l’ouverture aux visiteurs . l’hôtel a de bonne notes sur les sites comparatifs, à voir ici.
-Une petite promotion si vous voulez réserver avant le 31 octobre : « En retard dans vos cadeaux de Noël ?La Saline royale vous propose deux idées :- un bon cadeau d’une nuit à la Saline à offrir à un de vos proches, valable du 1er mars au 31 octobre 2014 .- un cadeau original (roman, nouvelle, essai, BD…) provenant de la librairie/boutique de la Saline. Renseignements : 03 81 54 45 00 ».
La Saline Royale ( vue générale)
©PHOTOPQR/LE PARISIEN/PHILIPPE DE POULPIQUET – ARC ET SENANS LE 10/02/2006
VI- QUE SONT DEVENUES LES UTOPIES ? La Saline et son architecte-urbaniste annoncent surtout les grandes utopies qui suivront comme ces quatre épopées, par exemple, de Saint-Simon, Charles Fourier et Charles Godin, tous des utopistes à leur façon.
-SAINT SIMON : le comte de Saint-Simon(1760-1825) voulait en finir avec les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles, les guerres, l’intolérance, l’égoïsme et avec l’Ancien Régime , ses privilégiés, ses inégalités, ses injustices, son obscurantisme et son féodalisme. Saint-Simon, pour son « changement de société », proposera une « société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs…) auraient pour tâche d’administrer la France le plus économiquement possible, afin d’en faire un pays prospère, où règneraient l’esprit d’entreprise, l’intérêt général et le bien commun, la liberté, l’égalité et la paix« .Toujours une utopie?
– LE PHALANSTÈRE de Charles FOURIER,( 1772 – 1837) philosophe, considéré par Karl Marx et Friedrich Engels comme le représentant, avec l’anglais Robert Owen, d’une forme de socialisme utopique. Le phalanstère de Fourier est une sorte d’hôtel coopératif pouvant accueillir quatre cents familles (environ deux mille membres) au milieu d’un domaine de quatre cents hectares où l’on cultive les fruits et les fleurs avant tout.
– LE FAMILISTÈRE DE GUISE De 1859 à 1884, Jean-Baptiste-André Godin bâtit à proximité de son usine de Guise une cité de 2000 habitants, le Familistère ou Palais social, la plus ambitieuse expérimentation de l’association du travail, du capital et du talent . L' »Association du Capital et du Travail » ou Société du Familistère de Guise, fondée en 1880, a réussi transformé l’entreprise traditionnelle de Godin en coopérative de production; les bénéfices servant à financer les diverses œuvres sociales (écoles, caisses de secours), dont le reliquat était ensuite partagé entre les ouvriers, proportionnellement au travail fourni pendant l’année.Le Familistère est aussi devenu un puissant centre culturel, rénové récemment , à visiter ici. Nourri des idées de Saint-Simon, d’Étienne Cabet ou de Robert Owen, Godin, le Fondateur du Familistère de Guise avait eu en 1842 la révélation de la doctrine de Charles Fourier. Si le philosophe échoua pour construire sa ville, Le familistère de Guise de son disciple Godin, réussit !
VII- ET AUJOURD’HUI ? Où sont les projets, les rêves, les utopies? Où sont les Créative Cities? A vous de répondre, chers amis, les commentaires sont à votre disposition ! En attendant, on voit que ces Salines Royales ont eu une importance phénoménale qui nous parle encore aujourd’hui : « Comment concilier développement économique et justice sociale? Comment faire participer les habitants aux décisions qui les concernent? Pourquoi l’innovation est-elle si difficile à repérer/encourager, car elle se heure aux idées et aux acteurs bien en place?« . Toutes ces questions sont d’actualité aujourd’hui, à nous de nous leur apporter des réponses collectives.
KEN LE TOURISTE PARFAIT était descendu au W , premier complexe vraiment époustouflant pour renouveler les hôtels de la montagne avec …de l’art !Plusieurs créateurs étaient intervenus, dont l’Australien Buff Diss dans le bar ou Ken attendait son ex, Barbie Chérie, pour faire un shuss créatif ( notre photo volée). Puis il lui faudrait reprendre sa croix : voyages, affaires, retombées économiques à laisser partout sur son passage, millions amassés chaque semaine… Le pôvre…
Voir la chambre de Ken ici ! Et d’autres photos du W, là!
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