Le Patrimoine mondial sauvé par le Tourisme?

Ken et AnneQue de nouvelles, cette semaine! Retour de Bilbao, avec le Forum d’Avignon et leurs trois jours de débats que nous vous raconterons la semaine prochaine ; et l’Allemagne à l’honneur pour le premier « Social Travel Summit » qui se tiendra les 15 et 16 avril 2014 à Leipzig, sur l’apport des réseaux sociaux ; ou encore l’annonce du choix de ces vingt finalistes du concours « Curate » sélectionnés pour « re-définir ce qu’est une exposition aujourd’hui, avec trois exigences pour ces finalistes : de la créativité, de pertinence et de l’innovation (Qatar Museums Authority et la Fondazione Prada).
Pourtant c’est d’un grand classique que nous vous parlerons aujourd’hui : comment venir en aide au patrimoine mondial de UNESCO? Car  Christian Orofino, professionnel du Tourisme Durable,  faisait une proposition intéressante cette semaine, en proposant que le secteur et l’ingénierie du Tourisme viennent au secours de l’UNESCO  pour remettre à l’honneur un tourisme durable et responsable pour ces sites trop fréquentés.(Cf.l’analyse et les propositions de Christian Orofino en III).
Venise Aqua AltaI- DE PLUS EN PLUS DE TOURISTES et… PERSONNE POUR FAIRE FACE!
La dégradation des sites culturels augmente, à commencer par ceux qui sont labellisés ! Car la demande de visite est de plus en plus forte, avec l’accroissement permanent du tourisme mondial (+5% par an, selon l’OMS). Tout nouveau « primo-visiteur » veut, une fois dans sa vie et dès qu’il en a les moyens, « voir » Venise ou les Pyramides d’Egypte, leTaj Mahal ou les quais de la Seine à Paris ! Et les primo-visiteurs représentent depuis une décennie une proportion que le tourisme culturel n’avait jamais connue :  relayant les visiteurs habituels de l’Europe, qui vieillissent, les touristes des 27 pays émergents forment un nouveau potentiel de milliards de touristes culturels depuis cinq ou dix ans, et la part  de leurs habitants prêts à voyager grandit chaque année.
A cette dégradation physique des sites et de leur environnement, il faut évidemment ajouter, si les touristes les envahissent, les impacts négatifs du Tourisme sur les sociétés et les habitants de leur proximité. Notons au passage que ces questions existent et sont sans cesse évoquées depuis trente ans, mais que les organismes officiellement chargés de la protection du patrimoine culturel ou naturel, comme l’UNESCO, écrivent et réunionnent énormément, mais n’ont jamais réussi à agir avec efficacité pour l’ensemble des sites en péril à cause de la sur-fréquentation.  Il leur faudrait soit agir de façon préventive, avant, pendant et après l’inscription d’un site au Label ; et/ou conditionner l’inscription à certaines obligations comme un projet expert pour l’exploitation des sites, l’interdiction de dépasser une certaine capacité de charge ainsi que la prise en compte des populations et travailleurs locaux.

Or  tout semble organisé de telle façon que ces organismes n’ont pas réellement d’obligation de résultats (Prévention des risques directement liés au tourisme ; conservation et gestion préventives pour éviter les risques de sur-fréquentation). Pas d’obligation de lever des fonds importants, non plus, pour mécéner rapidement les travaux urgents. Allongeant chaque année  leurs listes de patrimoine « en péril », ces organismes continuent à choisir et conseiller,  sans que de fortes contraintes et de nouveaux moyens ou sanctions ne garantissent la prévention et la disparition des désordres causés par le tourisme de masse sur de nombreux sites culturels.
Chichen-Itza MexiqueII-LE TOURISME A BESOIN DE SITES CULTURELS RENTABLES
Bien sûr on pourrait penser que la proposition du Tourisme, cette semaine, de réparer les outrages du tourisme de masse,   est paradoxale : le Tourisme, grand pollueur de sites culturels, peut-il être sauvé par lui-même ? Ne prend-il pas, aujourd’hui, cette direction de « repentance/réparation » pour une unique raison : retrouver la beauté perdue des sites, beauté et tranquillité étant l’une des conditions pour répondre à son objectif de gains financiers?
Certes, le tourisme raisonnable a tout à perdre d’un mauvais tourisme de masse. Et pourtant, cette  proposition nous plait, car les enjeux sont tels que seules les compétences du Tourisme peuvent peser face aux destructions de tous ordres.
– La Culture ne peut pas combattre seule ! Victime principale et qui a toujours une voix faible, la Culture est aussi aphone face aux enjeux économiques du tourisme, face aux investisseurs ou aux décideurs politiques « avides » de retombées. Si, cependant, elle encourageait un appel aux compétences nécessaires – les compétences du tourisme en matière de développement durable – elle serait la première bénéficiaire d’un programme de sauvetage urgent à réaliser. Qui, en effet sait,  mieux que le Tourisme,  comment :
– Exiger, avant l’inscription, des études expertes d’impacts économiques, culturels et sociaux et des études (enfin) sérieuses de simulation et d’objectifs de fréquentation ;
– Imposer des conditions d’exploitation des lieux a actuels et candidats.

Pour les sites en surcharge aujourd’hui, y porter remède grâce aux capacités du Tourisme pour :
o Convaincre les élus et autres dirigeants politiques, en cas de surfréquentation, qu’ils doivent faire « machine arrière » , non seulement à cause de la dégradation des sites culturels mais, argument plus convaincant, apparemment, surtout parce que les touristes iront ailleurs s’ils sont mal reçus !
o Gérer les flux, évaluer les capacités de charge, proposer des solutions techniques ;
o Construire des démarches-qualités (Séjour, itinéraires, visites de sites, etc…);
o Evaluer l’impact de ces mesures.
Faisons un rêve : pour une fois une alliance sacrée entre Politiques, Tourisme , Culture, et Habitants bafoués pourrait venir à bout des corruptions ordinaires et de la rentabilité  à tout prix des sites culturels.
Taj-MahalIII- PATRIMOINE DE L’HUMANITÉ DE L’UNESCO : GRANDES CAUSES, PETITS ARRANGEMENTS FINANCIERS,  résumé de l’article de Christian Orofino :
Ce qui est par dessus tout étonnant de la part d’un organisme comme l’UNESCO qui est l’Organisation des Nations Unis pour l’Education, la Science et la Culture, c’est l’absence totale d’évaluation de l’impact social et écologique du label sur l’environnement humain et écologique,dit Christian OrofinoLe classement et les Labels devraient provoquer, plutôt qu’une dégradation de certains paysages et sites culturels, la préservation et la conservation promises.  « Encore faudrait il que l’UNESCO,  qui enrichit notre production touristique par la révélation de sites nouveaux, aille jusqu’au bout de son processus en imposant des conditions d’exploitation de ces lieux, et cela fait partie du savoir faire des professionnels du tourisme« .
Christian Orofino, co-président de l’Observatoire Géo Politique et Environnemental du Tourisme (OBGET), sur Tourmag, Christian Orofino a déjà milité, dans sa rubrique « Développement Durable du tourisme », pour un outil d’observation : « Pour la création d’un Observatoire géopolitique du tourisme » . L’ article présente également de très bons exemples de la surfréquentation des sites et de son impact.  Voir l’article complet  ICI 
Grande Muraille ChinePOUR EN SAVOIR PLUS : revoir l’émission La face cachée des 1000 merveilles du monde, de Canal + diffusée le 10 mars 2014 . Mille sites et plus d’un 1 milliard de visiteurs an : les « tractations de couloirs et petits arrangements » pour négocier un label UNESCO ou autre se multiplient, même auprès des chefs d’ Etat ou de leur entourage. Voir la présentation d ce documentaire .
La Liste du patrimoine mondial en péril est publique! Sur 981 sites sont répartis sur 169 états, 759 sont classés culturels,193 sont classés « naturels » et 29 mixtes. Les causes de la mise en péril ou de « péril prouvé » sont nombreuses :  séismes et autres catastrophes naturelles (réchauffement climatique, inondations, risques sismiques, pollution…. ) ou causées par les hommes ( conflits armés et guerres,Tourisme de masse, urbanisation, incendies accidentels, pillages et braconnages…) qui devraient, pour le tourisme de mass , rendre plus souvent caduques certains classements (Venise ; Centre historique de Dresde ou Saint Petersbourg )-Voir la liste des  sites en périls de la liste du patrimoine UNESCO. 
TEOROS, la très bonne Revue de Recherche en Tourisme des canadiens : Le patrimoine est-il soluble dans le tourisme ?  de Luc Noppen and Lucie K. Morisset.
VENISE  : avec 23 millions de touristes, et l’Alqua Alta, Venise s’enfonce. (Slate) et n’a pas les infrastructures nécessaires pour accueillir autant de millions de touristes. Un très bon article sur les désordres de Venise en péril sur le site « Site San Marco, à voir ICI !Et le grand classique, incontournable analyse des bienfaits et des méfaits du Tourisme, qui présente d’exceptionnels exemples et de très bonne solutions :

Tourisme et développement durable, étude  réalisée dans le cadre du programme “Tourisme, culture et développement” de la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel, Section culture et développement (UNESCO, 2006- Réf. : Doc no CLT/CPD/CAD – 06/13) par Mike Robinson et David Picard, deux enseignants de l’Université Hallam de Sheffield (Royaume-Uni). »© UNESCO, 2006 . Malheureusement, un petit avertissement prévient le lecteur en début de lecture « Les opinions exprimées dans le présent document, le choix des données et leur interprétation n’engagent que la responsabilité des auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de l’UNESCO« . Dommage, ajouterons-nous avec notre impertinence habituelle. En tous cas nous plaçons cet ouvrage, malgré sa date ancienne (2006), dans les 10 INCONTOURNABLES  ouvrages indispensables pour aborder le Tourisme Culturel, ses enjeux et sa réalisation! Pour lire cette étude, c’est ICI!
Ken et NathalieKEN LE TOURISTE PARFAIT Brune ou blonde ? De gauche  ou de droite ? Quelle destination prendrait-il? Entre les deux son cœur balançait et il décida d’un petit Skype avec Barbie Chérie, son ex, qui, à peine eût-il posé ses questions, lui répondit « Mais lis donc  leurs deux programmes culturels, comparés sur le Journal des Arts.Tu prends le meilleur, et basta ! Tu as la meilleure! ». Mauvaise réponse! Agacé, il zappa Paris pour rejoindre directement la ville de Tokyo. Car COMMENT comparer deux programmes culturels, pour un Touriste Parfait ? Comparer deux banques, deux voitures, deux pays, deux « modèles économiques », vertueux ou pas , deux palaces, deux jets privés… tout ça, il savait! Mais pour des artistes, des musées et surtout des « programmes » culturels, là, il donnait sa langue au chat.

Ken et ses deux amies

3 Commentaires

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    • Lehalle sur 16 mars 2014 à 0 h 13 min

    Non mais ça va pas mon Kenou ????
    La gauche et la brune bien sur …
    Tu as bien vu les ravages avec ton ex-blonde-de-droite

    • Sophie Lacour sur 17 mars 2014 à 3 h 24 min

    Merci pour cet article , toujours un très grand interêt à vous lire.
    En effet quid du fameux barycentre évoqué par JP Lozato. Ce sont toujours les mêmes constats, année aprés année.

  1. Merci de votre commentaire, chère Sophie! Pour nos amis lecteurs, précisons que le « barycentre » que vous évoquez est celui d’un « optimum » d’objectif durable à atteindre par une méthode savante, calculant le « centre de gravité » entre plusieurs paramètres (économie; environnement; socio-culturel; infrastructures…) qui comportaient de très nombreux indicateurs. Mais le poids de chaque paramètre doit varier selon les indicateurs utilisés sur chaque territoire.Soit une très belle construction intellectuelle, mais réellement très difficile et très longue à mettre en oeuvre, à notre humble avis de praticienne.Car Tourisme et Culture, aux objectifs si différents ( Intérêts privés et rapport à court terme du Tourisme vs Intérêt général et services publics de la culture, par ex. ), comportent des dizaines, voire des centaines d’entreprises et d’organismes travaillant en partenariat, à consulter dès lors que l’on veut créer des indicateurs puis trouver un « optimum »; sans compter tous les habitants, qu’il s’agirait aussi d’entendre et de satisfaire avec des indicateurs dédiés!Ce type d’ingénierie, parfait sur le papier, me semble compliqué à mettre en oeuvre sur un territoire réel!La lenteur de ce processus complexe garantirait-elle, de plus, le fait de suivre les mutations permanentes des acteurs ou l’évolution rapide des sites en réorganisation? Donc pourquoi pas de vraies études sur la capacité de charge des sites pour obtenir déjà de bons résultats, et une obligation de « bien » exploiter le site, donc de surveiller cet indicateur? Voici en tous cas, pour celles et ceux qui voudraient creuser le sujet, des liens pour explorer ces voies royales:une bibliographie commentée, avec une interview de J.P Lozato-Giotart. http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/eedd/pages/84_dossier.aspx ainsi que deux ouvrages :Le chemin vers l’écotourisme. Impacts et enjeux environnementaux du tourisme d’aujourd’hui, Jean-Pierre Lozato-Giotart, Editions Delachaux et Niestlé, 2006, 192 p. ET Management du tourisme: Territoires, offres et stratégies, Jean-Pierre Lozato-Giotart,Érick Leroux,Michel Balfet(2012)

  1. […] Lien : https://www.nouveautourismeculturel.com/blog/../le-patrimoine-mondial-sauve-par-le-tourisme […]

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