Tunisie, Le Temps du Tourisme Culturel?

 

 

Hier  matin Le Temps, célèbre journal de Tunis, a publié l’interview que Kamel Bouaouina m’avait adressée vendredi. La voici! Avec en conclusion plusieurs articles du journal sur La Tunisie qui  n’a pas retrouvé la fréquentation d’ avant la Révolution. Tourisme balnéaire, tourisme de masse, investisseurs/financeurs  ou stratégie nationale : peut-être, disent les journalistes du Temps ainsi que  la communication vers les clients perdus de la Tunisie (l’Europe),  que la nouvelle Tunisie pourrait renouveler son tourisme  en faisant  découvrir, en plus de ses somptueuses côtes,  son pays tout entier et sa liberté retrouvée? Pour nous, modestement, un seul conseil : 3000 ans de culture,  dans un pays libre, ça vaut le coup!

 

– Le Temps : Pensez-vous que le tourisme culturel soit un excellent levier de développement régional et de création d’emplois?

Evelyne Lehalle : Oui, dans la mesure ou le tourisme culturel peut être pratiqué sur l’ensemble d’un territoire, par les« fans de culture » dont ce sera la seule activité, mais aussi par l’ensemble des touristes, en complément d’autres activités comme celles du tourisme balnéaire ou rural, de randonnée de tourisme sportif ou d’affaires, etc…La valorisation des sites culturels est source de retombées économiques très importantes.En 2010 le seul Patrimoine, en France, a généré 15 milliards de retombées économiques sur le territoire, d’après les études du ministère de la Culture. Car le tourisme culturel y fut pratiqué par 36% des touristes et 10% des excursionnistes qui ont visité notre pays. […]L’emploi touristique est estimé à 250 millions de personnes, soit 6 à 7% de l’emploi dans le monde, travaillant directement dans le secteur du tourisme, ou dans des activités proches ou nécessaires au développement touristique. A l’inverse du faible niveau de qualification initial nécessaire dans certaines branches du tourisme ( faiblesse qui favorise cependant l’insertion des jeunes et constitue une véritable porte d’entrée vers une qualification et une progression professionnelle), les emplois spécifiques du Tourisme culturel sont souvent de bon ou de haut niveau (Musées, Monuments, Gestionnaires, Conférenciers, accompagnateurs de voyage ou acteurs du monde numérique aujourd’hui).

– Tourisme et Culture sont-ils de bons alliés?

Leurs rôles sont complémentaires : la Culture propose et valorise l’offre culturelle, le Tourisme informe, accueille, loge et transporte les visiteurs! Il est vrai que la Culture a toujours des difficultés à répondre aux « demandes » des visiteurs, qui forment pour elle un « public le plus large possible »indifférencié. Mais le Tourisme pallie cette relative indifférence grâce au marketing, et sait cibler, pour telle ou telle catégorie de clientèles, une offre qui correspondra le mieux à son profil. L’opposition du secteur marchand du tourisme / secteur désintéressé de la culture, tend à diminuer : les élus demandent aujourd’hui aux sites culturels de s’appuyer sur les compétences du tourisme pour améliorer la fréquentation.

– Qu’est ce qui a motivé les professionnels à proposer ce type de tourisme ?La demande! Le tourisme culturel est l’une des premières formes de tourisme, au XVIIIéme et au XXème siècles, réservée à une élite aristocratique d’anglais, d’allemands et de français qui faisaient le Grand Tour pour s’instruire et établir un soft power diplomatique. L’industrie touristique, dès lors que les infrastructures l’ont permis, devait aussi« proposer des activités » et a profité des grands sites du patrimoine, des pèlerinages ou des événements commémoratifs. Le tourisme de masse, vers 1960,  a généralisé le tourisme « culturel » comme approche d’un pays, de son histoire, de son art de vivre. Cette forme de tourisme lui permet aussi de « désaisonnaliser » son activité, car le tourisme culturel est pérenne et peut être pratiqué tout au long de l’année.

– Quelle est la clientèle cible de ce tourisme?Une clientèle plus éduquée que la moyenne, aux diplômes plus élevés que la moyenne, aux revenus supérieurs à ceux de la moyenne : tel est le portrait des assidus de culture. Comme ils ne sont pas très nombreux (5% des touristes européens) l’effort de démocratisation a porté ses fruits : la Culture est aussi le passe-temps favori des Jeunes ( musique ; expérience du voyage par des découvertes d’autres pays ; rencontres festives ou « entre jeunes »partageant des goûts communs. Les comités d’entreprises, en Europe, mais aussi les personnes âgées, le tourisme social sont très avides de séjours culturels, qu’ils achètent sur catalogues. Enfin aujourd’hui on associe plusieurs produits : Shopping et Culture ; Tourisme de Nature et de Culture , afin de créer une destination. Les courts-séjours sont une tendance forte, dont « Le jeune couple aux revenus élevés » ou les« Familles en week-end » sont la cible, et le Tourisme culturel n’y échappe pas !

Peut-on parler d’un « nouveau touriste»? Oui, car trois mutations ont profondément changé la donne, qui impactent fortement les stratégies touristiques:

1-Celle de nouvelles clientèles, par exemple les visiteurs des 27 pays émergents, dont les BRIC Brésil, Russie, Inde et Chine. Les classes moyennes de ces pays croissent chaque année de façon vertigineuse, et elles prennent le relais de clientèles européennes vieillissantes.2-Ensuite les comportements des touristes ont profondément changé : plus experts, plus exigeants ils attendent une personnalisation de l’offre, se détournent du tourisme de masse, partent plus souvent et moins longtemps. Très sensibles au développement durable, ils sont le moteur de croissance du Tourisme écologiquement correct, voire éthiquement correct.3-Enfin les nouvelles technologies ont bouleversé les habitudes : la décision se prend sur Internet (Information ; comparaison ; avis des voyageurs…), les réservations sur les smartphones et le e-commerce remplacent peu à peu les sites traditionnels (agences, offices de tourisme), et les métiers (T.O, agent de voyage…) doivent en tenir compte. Le Touriste, en mobilité, interconnecté en permanence, profite à plein de ces nouveaux usages avant, pendant et après son séjour.

– Peut-on évaluer le marché potentiel du tourisme culturel en Tunisie ?Bien sûr! Une carte de la Tunisie Culturelle et « touristiquement » aménagée suffit à évaluer le potentiel, qui est énorme, avec toutes les infrastructures existantes, les sites culturels existants – dont bon nombre peuvent être revalorisés- ainsi que la qualification professionnelle en font l’un des pays du monde les plus attractifs! La Tunisie pourrait passer, si ses stratégies touristiques en décidaient, d’un tourisme de masse à un tourisme à haute valeur ajoutée comme celui du tourisme culturel.

– Carte du Dossier réalisé par MAG Eco-15 mars 2012. « Tourisme culturel, mythe ou réalité? Ce dossier comprenait d’excellents articles et propositions! Un état des lieux et de quoi réaliser un très bon projet pour renouveler l’offre de tourisme culturel. Tout y est, du Patrimoine à l’Artisanat, des acteurs aux tâches à réaliser; des réformes à faire aux évaluations des institutions actuelles en charge de la valorisation. Il ne manque qu’un calendrier pour mettre en oeuvre des projets très concrètement. Et pour établir  un agenda des choix et des priorités à définir en fonction des moyens disponibles et à créer. Hélas, alors que les pouvoirs tunisiens disposent donc de ce programme, de toutes les compétences, en Tunisie, des résultats de nombreuses études récentes, Le Journal Le Temps s’interroge :  le Tourisme tunisien (Gouvernement, plusieurs ministres qui se sont succédé pour le  tourisme, ONTT, etc…) dit très régulièrement  qu’il va revoir sa copie – tourisme culturel et tourisme durable-,  promouvoir l’offre de l’intérieur du pays,  faire un calendrier. Mais ce dossier avance-t-il réellement?

– Quels sont les problèmes qui entravent ce secteur?La conjoncture (économique, politique) est difficile pour un secteur, le Tourisme, qui a besoin de stabilité, de sécurité, d’investissements permanents. Le poids institutionnel est aussi un frein à l’innovation, car il est difficile de faire son deuil de recettes qui ont si bien réussi, même si aujourd’hui elles ne correspondent plus à la demande des visiteurs, très diversifiée. Enfin, pour les pays« pionniers » du tourisme et qui en ont tiré leur ressource principale, la lenteur des décisions est aussi un frein, dans la mesure où la concurrence est devenue féroce : les pays émergents sont aussi en train de mettre en place leur propre tourisme intérieur!

– Est-ce un produit bien commercialisé ?Par son antériorité sur la plupart des activités du tourisme, par la compétence des professionnels qui se sont aguerris sur le thème, le tourisme culturel n’a aucun problème de commercialisation. En France mais aussi à Londres, en Corée, en Allemagne, en Espagne ou au Maroc, plus de 70% des touristes étrangers interrogés ont déclaré avoir été séduits par l’image culturelle de ces pays et leur art de vivre ! Par contre l’évolution de la commercialisation numérique (e-commerce en ligne, du catalogue au paiement..) est la condition du succès!

– Pour sauver la destination Tunisie, peut-on recommander aux professionnels tunisiens de penser à des projets de tourisme culturel ?Je pense que les professionnels seraient intéressés par cette forme de tourisme moins agressive que d’autres et qui permet aux habitants d’en devenir des ambassadeurs actifs. Je crois beaucoup à l’utilisation de compétences locales, et la ressource en Tunisie est inépuisable, tandis que la Grande et longue histoire de la Tunisie pourrait être mise en tourisme, au-delà des seuls sites antiques qui ne représentent pas toute la grande diversité de l’Histoire et des paysages de la Tunisie. Certes il faut établir une stratégie, faire des choix, prioriser les objectifs pour : valoriser les sites existants, poursuivre l’amélioration des grands sites (Unesco), rouvrir des sites culturels fermés, développer un événementiel de qualité ; tout cela, les professionnels tunisiens savent le faire !

D’autres pistes existent, comme un tourisme très haut de gamme qui reste à inventer, mais dont les prémices sont bel et bien là (CF.le Dar HI de Nefta !).Ou encore initier, pour les jeunes touristes, le Tourisme créatif, qui, avec un artisanat de grande qualité ou des pratiques culturelles (Photos, peinture, film, musique, etc…) permet aux touristes, pendant leur séjour, de ne plus « bronzer idiots » ! A la fois visite, séjour, activité et rencontre avec les artisans ou artistes locaux, cette toute nouvelle forme de tourisme participatif, née en Angleterre, aux USA et en Espagne voici 10 ans, serait aussi très adaptée à la Tunisie, car elle donne du sens au séjour. Tourisme de niche ? vont dire les gros opérateurs de l’industrie touristique côtière…Certes, mais une dizaine de niche explorées sur le territoire chaque année, cela ne finirait-il pas par faire « masse » ?

POUR EN SAVOIR PLUS…
– Kamel BOUAOUINA, le journaliste qui a réalisé l’interview pour Le Temps , est un très fin connaisseur du tourisme, et tout particulièrement du tourisme en Tunisie. Il rédige donc une veille excellente sur ce journal, à voir ICI. Kamel a aussi ouvert le dossier du tourisme culturel! Nous conseillons aux amateurs du sujet de lire son article, ici .Et un grand merci à Kamel qui donne ainsi l’occasion à tous de repenser le tourisme!

Un petit tour sur Le temps vous donnera aussi le pouls de la Tunisie culturelle : y verra-t-on le film La vie d’Adèle, récompensé à Cannes le 26 mai par la Palme d’or? (Notre photo : le réalisateur, franco-tunisien,  Abdellatif Kéchiche, entouré de  Léa Seydoux et d’Adèle Exarchopoulos, actrices du film). Lire aussi  l’article de Samia HARRAR, ici .La chronique de Youssef Seddik évoque  le parcours du réalisateur, ICI .
Lien de l’interview sur  le Journal Le Temps , ICI.

Et lire ou relire l’article que nous avions rédigé dans ce petit blog à notre retour de Tunisie, le 25 avril 2012 et qui détaille plus amplement l’offre culturelle actuelle. C’est ICI:

Et pour terminer, souriez à  lacampagne de communication de la Tunisie pour un nouveau Tourisme! Et merci à Cri-Cri d’Amour (AF) pour l’envoi! Il est vrai que cette campagne cible des visiteurs français « qui ont de l’humour », un peu ou très branchés, aimant la Tunisie et ayant applaudi à la Révolution tunisienne.Personnaliser les messages est devenu incontournable!

Prêts pour la Tunisie? Partez!!!Et merci à Cri-Cri d’Amour pour l’envoi! Il est vrai que cette campagne cible des visiteurs français « qui ont de l’humour », un peu ou très branchés, aimant la Tunisie et ayant applaudi, soutenu la Révolution tunisienne.

KEN LE TOURISTE PARFAIT devait maintenir son rang : voyager sans cesse autour du monde en jet privé, dormir dans des palaces somptueux, et surtout…Surtout dépenser sans compter entre deux rendez-vous d’Affaires, histoire d’arroser la proximité, partout où il passait, de somptueuses retombées économiques! Il saisit son iPhone et appela son ex, Barbie : Un petit week-end à Nefta, au Dar-Hi, ça te dirait? Yes! Avait répondu Barbie Chérie, ravie! Du coup, il devait réviser son Dossier Culture de Mag Eco…Sans attendre, sans tergiverser!

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