Les musées français ont leur petit “Cannes”, avec classement, catégories, premières places au Palmarès ! Chaque année depuis 6 ans le Journal des Arts décerne trois palmes :
– Accueil des publics
– Dynamisme
– Conservation
Et depuis deux ans, hélas, les conclusions du classement général de ce Journal pourtant excellent sont les mêmes : « La hausse générale de la fréquentation des musées est due principalement à la forte augmentation du pourcentage de touristes – qu’ils soient français ou étrangers » qui représentent 75% des visiteurs (contre 58% en 2007). Avec cette conclusion surréaliste : cette légère augmentation « devrait inciter les musées à développer de nouveaux vecteurs d’attractivités à destination de leur public de proximité » !
Cette conclusion, avec celle de l’an dernier, qui préconisait, comme seule piste pour accroître la fréquentation, la seule formation des jeunes français en histoire de l’art et histoire culturelle à l’école, est une véritable catastrophe.
Pourquoi ? Parce que, actuellement, rien n’est fait pour encourager les musées à mieux accueillir les touristes, qui forment la majorité de leurs visiteurs, rien non plus n’existe pour les fidéliser, et surtout pour développer la fréquentation de nouveaux visiteurs touristiques. Ouvrir les portes ne suffit pas, et mettre des dépliants à l’office de Tourisme non plus. Voyons cela en détail .
1 – Les objectifs et moyens des musées, en France, sont réservés en toute priorité, pour les musées français, aux publics de proximité : les personnels, leur formation, les programmes, les crédits…Par exemple, même à l’Ecole nationale du Patrimoine, les formations touristiques basiques ne sont jamais enseignées (Connaissance des pays émetteurs, des autres activités touristiques, des partenariats possibles – hébergement, transport…- ou du marketing culturel).Elles permettrraient pourtant aux acteurs du tourisme et de la culture de dialoguer et de travailler ensemble. Cette absence de dialogue permanent est si incroyable que je ne peux d’ailleurs jamais expliquer aux autres pays européens : elle sort de leur schéma mental, comme notre Centralisation.
En France le mot « Touriste » fait encore peur, voir dégoûte, voilà tout. On lui préfère la célèbre formule de Malraux, « Diffuser la culture vers les publics les plus larges possibles, à commencer par ceux de la France » ! Et, du coup, avec cette préférence nationale, on se fait retoquer par le conseil d’Etat une mesure sur la gratuité des musées et monuments nationaux, réservée aux français – et tout de même aux jeunes européens – mais non valable pour tous les jeunes visiteurs de l’ensemble des autres pays du monde ! Par parenthèse, avec la bonne centaine de juristes du ministère de la culture, cette bévue paraît aussi surréaliste !
2 – Pourquoi faut-il encourager le tourisme culturel ?
Cette préférence nationale ne serait pas grave si notre pays avait été Elu à vie Pays de la Culture par les autres habitants de la Planète. Mais voilà, tous ces pays, qui revendiquent leur attrait culturel pour recevoir des touristes, sont des concurrents de la France. Ils recrutent des professionnels du marketing touristique dans leurs équipes et enseignent aux personnels des musées au moins de quoi pouvoir de quoi dialoguer avec ceux du tourisme. Même si nous avons encore la première offre touristique et culturelle du monde, consolider cette place et préparer l’avenir serait sans doute une attitude sage.
3 – Comment les publics, en grande majorité, prennent-ils la décision de visiter un musée?
Revenons à notre palmarès, et passons sur la représentativité des 968 musées choisis, avec seulement trois thématiques les Beaux- Arts, l’archéologie et l’histoire « nationale ».
– Passons sur le fait que le questionnaire soit auto-administré, et qu’y réponde qui veut ;
– Passons sur le fait que les résultats annoncent un nombre de visites, et non de visiteurs !
Il est évident que les critères d’éligibilité pour les trois Palmarès- accueil des publics/ dynamisme /conservation – sont de toute évidence ceux que l’on réserve à un public de proximité : l’un des critères, essentiels, qui conditionne la fréquentation, donc le dynamisme, le développement d’un musée mais aussi le développement local, est tout de même celui de son accès et de la préparation du voyage, bien avant que l’on rejoigne physiquement les salles d’un musée :
– Comment y aller ?
– Où allons-nous loger ?
– Y a-t-il un parking ?
– Peut-on réserver sur Internet ? Y a-t-il une adresse e-mail de contact ?
– Quelles autres activités sont possibles, avant ou après la visite du musée ?
– Parle-t-on notre langue ?
Bref, la phase d’« avant la visite », celle où l’on décide d’y aller ou pas, n’est pas envisagée sérieusement, dans ses contenus, dans les critères énoncés de ce qu’est un bon musée pour ce palmarès. Ni celle, essentielle aussi, d’un travail nécessaire auprès des tours opérateurs, des agences de voyage, pour commercialiser une offre de séjour. Rappelons ici qu’une année entière est réellement nécessaire aux acteurs du Tourisme et de la culture pour mettre en tourisme une offre culturelle. (Cf « Tourisme et Culture, Travailler ensemble » aux éditions ODIT France, 2008).
5 – La préparation du voyage , et donc de la visite: d’après toutes les études consacrées à ce thème, les sites Internet des musées, par exemple, sont tous très insuffisants, à quelques exceptions près, pour répondre à ces questions directement. On vous y présente avec conviction des collections, ou de l’histoire du bâtiment, mais pour tout le reste, vous êtes dérivés sur une autre adresse, un autre téléphone. La pratique des langues étrangères est aussi très rare, à l’accueil, si l’on souhaite un renseignement au musée, avant de partir, soit avant de prendre la décision de s’y rendre.
En conclusion,
Créer ou renforcer les équipes culturelles par des compétences de l’économie touristique : deux chiffres montrent que le « réservoir » de fréquentation touristique est immense : si la culture représente bien 80% de l’attractivité de la France, seulement 17% des touristes visitent effectivement un musée ( Etude CREDOC 2005, Etude Maison de la France /IPSOS 2006, etc…).
II – Un très bon exemple de Palmarès, le Prix anglais du meilleur musée de l’année !
Ce prix, réservé aux musées récents, a une approche pragmatique – il est anglais – et, à travers ses critères, grâce à une équipe internationale très active, est une petite merveille.
Kenneth Hudson (4 July 1916 – 28 December 1999), fonda les critères de ce prix en 1977, et depuis ses critères n’ont cessé de s’affiner. Et surtout d’être actualisés au fur et à mesure des progrès et évolutions des musées en fonction des pratiques et exigences de leurs visiteurs.
http://www.europeanmuseumforum.eu/photo/Bertinoro%20conclusions0001.pdf
5 – Les résultats du prix 2009 du meilleur musée de l’année européen, décerné au Salzburg Museum, Salzburg ( Autriche) font apparaître les critères suivants, en plus de l’accueil touristique qui, chez nos amis européens, va de soi ! :
– Intégration de l’architecture dans le paysage urbain ou/et rural et aménagements durables (éclairage, chauffage et climatisation).
– Qualité et innovation pour les équipements multimedia et numériques et rapport qualité/coûts de ces éaquipements
Un Forum du meilleur musée européen a été créé, qui travaille aux critères qui définissent le meilleur Musée d’Europe (40 000 musées, dont la majorité est constituée de petits musées, souvent isolés, avec des collections constituées localement et ancrés localement, d’où leur nom, les musées locaux).
Ce Forum, constitué de professionnels européens, se réunit régulièrement sous l’égide de l’Unesco, pour travailler sur des thèmes précis et dégager nouvelles orientations.
III – KEN, LE TOURISTE PARFAIT!
Ken, notre Touriste parfait, a encore rencontré la culture sur sa route ! Ouiiiii ! Je sais que vous le préférez quand il a une Love Affair, et comme ce fut le cas, je ne résiste pas à vous raconter. Ken était aux Emirates, dans l’un de ces hôtels comme nous n’en n’avons pas en France. Au lieu de vous proposer une chambre, ou une suite, on vous demande si vous viendrez avec vos enfants ou votre équipe de 800 professionnels, si vous souhaitez une piscine privée et aimez le tennis, si l’on devra garder les enfants ou amuser vos collaborateurs une soirée ou deux, et ce qu’ils aiment dans la vie. Après, et seulement après, on vous donne un gîte, soit la moitié de l’hôtel, si cela est nécessaire, et on organise vos activités pour que vous puissiez travailler tranquilou.
Donc Ken était tout content, choyé et reposé après avoir ( encore) fait une opération d’investissement comme il aimait : beaucoup de flux financiers mais surtout un terrain magnifique, inutile pour une fois de raconter des blagues pour le revendre tout construit le plus vite possible. Dans son hôtel, il aperçu des vitrines, des objets d’art et des peintures, des ministres courant après leur président, des hommes d’affaire, dont nombre de ses concurrents. Qui, comme lui, se demandaient si ces oeuvres resteraient longtemps à Abou Dhabi. Evidemment, Ken n’est pas un fin lecteur de ce blog. Autant les voir avant son retour ici, se dit-il. L’évanouissement d’Esther par Jean –François de Troy ne lui fit ni chaud ni froid (Huile sur toile, 1730) et le Mondrian de 1922 l’exaspéra. Trop « simple », pensa-t-il. Mais, juste après le Bodhisattva debout (Gandhara,II-III siècle) et le Don Pedro de Tolède de J.D.A Ingres – « Pas mal, pas mal …»- il tomba en amour devant un Giovanni Bellini, une Vierge à l’Enfant, (1480-1485). Elle était si belle. Il décida de faire un crochet par Venise pour voir autre chose de ce peintre, avant de retourner à Londres. Il espérait, secrètement, que ce Bellini avait fait d’autres tableaux avec ce modèle, car lui rappelait trait pour trait… sa maman!
Légende de la photo de Ken au Polo
Ken est tout simplement allé assister, le 18 juin, au « Perfect Polo Match » qui avait lieu à Paris le 18 juin 2009. Pour la première fois en Europe, les onze meilleurs joueurs de polo du monde étaient en lice… Notons que notre Touriste Parfait s’y est rendu car toute la Communication de ce match insistait sur l’exceptionnalité de cet évènement, de ce rendez-vous. « Se différencier » est toujours, comme l’expliquait le sociologue P. Bourdieu, un « must » ! Il est vrai que la Communication de l’évènementiel sportif a tout compris…
Légende de la Photo du tableau de Giovanni Bellini
G.Bellini ( 1438-1440) est l’un des maîtres de la toute première Renaissance italienne. (Vous vous rappelez, juste après la période gothique !). C’est le début, aussi du Portrait. Les personnages, même religieux, même haut placés dans la hiérarchie de l’Eglise, comme ici la Vierge Marie, commencent à avoir leur propre caractère et ne sont plus stylisés, abstraits. La « Vierge à l’Enfant » (peinte entre 1480 et 1485) est l’une des toutes premières acquisitions du futur musée « Louvre » d’Abou Dhabi. ( Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009).
2 Commentaires
Magnifique chronique « muséale » mais absence du classement en nombre de visiteurs. Regrets.
Auteur
Merci de votre commentaire! Et pardon pour mon grand retard à vous répondre, trop d’expertises en cours… Je ‘ai pas mis les chiffres des fréquentations car ils sont aujourd’hui faciles à trouver, si vous en avez besoin : ceux de « Museostat » au niveau national ( sur le site du ministère de la Culture). Ceux des villes, régions et départements ( Comités régionaux et départementtaux du Tourisme, en général àla Rubrique « professionnels ». Etnfin beaucoup de « palmarès » annuels et de classements, comme ceux du magazine Art Press ou le palmarès de de Beaux-Art magazine.